17 décembre 2008

L’insurrection islamiste aux Philippines

Le territoire des enjeux

L’archipel des Philippines compte un peu plus de sept mille îles et îlots dont deux mille habitées, et il se situe entre le Nord de Bornéo et le Sud de Taiwan. La superficie terrestre de la jeune République des Philippines est de 301 000 kilomètres carré, soit l’équivalent de l’Italie. Les onze îles principales couvrent à elles seules 94 % du territoire. Mais les trois îles les plus importantes, tant en superficie qu’en population, sont respectivement du Nord au Sud : Luzon (qui abrite la capitale, Manille), Cébu dans l’archipel des Visayas et Mindanao.

Au Sud des Philippines donc, entre l’île de Mindanao et la portion malaisienne du Nord de Bornéo (Etat de Shabah) distants d’environ trois cents kilomètres, s’étalent un chapelet d’îles : l’archipel des Sulu, situé entre la Mer du même nom et la Mer de Célèbes dont les deux plus importantes îles sont Jolo et Basilan.

Dans cette région, une concentration de musulmans sunnites, de l’école Shaféite, qui se regroupent sous la bannière du « peuple Moro ». Les Moros regroupent ces musulmans du Sud des Philippines qui ont été ainsi labellisé par les Espagnols au début du XVIème siècle. Les rebelles ont adopté et revendiquent ce terme, donnant par là une certaine unité à leur population plutôt disparate dans les faits.

Les Philippines est le seul pays asiatique où réside une majorité de catholiques, c’est ce qui en fait le plus grand pays chrétien d’Asie. Selon l’annuaire publié en 1983 par la Conférence épiscopale, avec 43 millions de catholiques sur une population totale de 51 millions, le catholicisme est la confession dans laquelle se reconnaissent 84% des Philippins. Les non-catholiques (protestants, musulmans, animistes) constituant une minorité de 16 %. Les musulmans philippins, qui représentent une minorité de 5%, soit un peu plus de quatre millions d’individus sur les quatre-vingt deux que comptent aujourd’hui les Philippines, ne constituent pas une véritable unité puisqu’ils regroupent en fait plusieurs groupes ethno-linguistiques, pas d’emblée solidaires entre eux. L’introduction de la religion musulmane sur Mindanao a divisé sa population originelle en deux catégories : les Moros et les Lumads ; et si les Moros sont ceux qui ont adopté l’islam, les Lumads[1] ont conservé leur croyance.

Le peuple Moro (Bangsa Moro) se compose de treize tribus ethnolinguistiques[2], dont trois groupes sur Mindanao : les Maguindanao (peuple des plaines inondées de la région de Cotabato), les Maranaos (vivant originellement autour du Lac Lanao) et les Sanggil (à la pointe Sud de Cotabato). Quatre autres groupes se trouvent, eux, sur l’archipel de Sulu : les Yakan de l’île même de Basilan, les Taosugs sur Jolo, les Samal sur Tawi-Tawi et autres îles alentour et enfin les Jama Mapun de Cagayan sur Sulu[3] ; citons également les Molbog, les Kalibugan, les Kalagan, les Palawani, les Iranun, et les nomades des mers, les Badjaos[4].

La religion musulmane est arrivée sur ces terres du Sud philippin dans le prolongement de l’islamisation du monde malais par le biais des commerçants arabes, des voyageurs, des Sufis et des missionnaires. Au XIVème siècle, existaient déjà des zones d’implantations de musulmans étrangers à Sulu, vraisemblablement composées de familles issues de mariages entre des commerçants et des missionnaires musulmans avec des femmes indigènes, mais également de quelques convertis[5]. Le premier Sultan de Sulu, qui portait le titre de Paduka Mahasari Maulana al-Sultan Sharif ul-Hashim, régna environ entre 1450 et 1480. A Mindanao, Sharif Muhammad Kabungsuwan, qui fonda le Sultanat de Mindanao, arriva pour sa part sur les rivages de l’île autour de 1515. La religion musulmane a ainsi établi dans cette région la première institution politique, la première religion institutionnelle et le premier système d’éducation. Autant d’éléments que les sécessionnistes ne manquent pas de faire valoir pour légitimer leur combat.

Ferdinand Magellan, quant à lui, toucha les Philippines en 1521, au cours de son tour du monde. Les Philippines se trouvant au point de jonction antipodique de la ligne de partage du monde issue du Traité de Tordesillas de 1499, c’est la raison pour laquelle Portugais et Espagnols se retrouvèrent dans la même région du globe, les uns arrivant de l’Ouest par l’Océan Indien (les portugais), les autres de l’Est par le Pacifique (les espagnols).

Les Philippines devinrent une colonie espagnole dirigée à partir du Mexique de 1565 à 1821, c’est à dire jusqu’à l’indépendance du Mexique. Par la suite, et ce jusqu’en 1837, l’Espagne contrôlait l’archipel par le biais du Conseil des Indes ; jusqu’en 1863, l’administration se faisait par le Conseil des Ministres avant d’échoir au Ministère des Colonies.

L’Espagne perdit les Philippines en 1898[6] par le Traité de Paris, suite à sa défaite face aux Etats-Unis ; les Philippines devinrent alors protectorat des Etats-Unis, jusqu’à son indépendance, le 4 juillet 1946[7]. Entre 1901 et 1941, l’intrusion de l’ordre colonial américain modifia quelque peu ce pays catholique avec l’officialisation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la mise en place de l’école publique, la substitution aisée de l’espagnol (faiblement répandu) par l’américain, avec enfin le protestantisme qui eut droit de cité. D’aucuns se plaisent aujourd’hui à décrivent alors l’histoire des Philippines comme celle d’un pays ayant vécu dans un monastère pendant quatre cent ans et cinquante ans à Hollywood[8]. C’est un fait, ces deux influences sont très présentes aujourd’hui dans l’archipel.

Au moment de l’indépendance, Mindanao et le Sud Philippin devinrent bien sûr partie intégrante de la République des Philippines ; ce rattachement global de l’archipel philippin fut à l’origine des liens entre les musulmans du Sud avec le reste de l’Ummah, essentiellement du Moyen-Orient, et de l’envoi des premiers étudiants à l’université d’Al Azahar du Caire[9]. Mais ce qu’il faut souligner, c’est que tant sous la couronne d’Espagne que sous l’ordre américain[10], le Sud des Philippines ne s’intégra aux autres îles et populations. Il y a toujours eu une forte résistance, des combats sanglants, au point où la lutte du peuple Moro peut être considérée comme la lutte armée la plus ancienne d’Asie, voire du monde, encore vivace[11] ; par ailleurs, étant donnée que dans la mémoire collective « Moros », le Sud philippin fut non seulement « indépendant » par le passé mais également prospère économiquement, l’idée d’indépendance n’est pas pour eux un « rêve impossible [12]». Certaines estimations[13] sur le nombre de victimes de ce conflit, donnent le chiffre de cent cinquante mille et trois milliards de dollar les dommages matériels causés rien que sur les quarante dernières années.

Une situation économique critique

Elément important s’il en est pour caractériser les Philippines : la situation économique difficile qui fragilise l’Etat et augmente le ressentiment d’une grande partie de la population, et ce malgré une récente reprise de la croissance en 2001[14] ; ainsi, pas moins d’un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, autant souffrent de pénuries alimentaires et vivent avec moins d’un dollar par jour[15]. Et si les écarts se creusent de plus en plus entre une minorité de riches et une grande majorité de pauvres, cet écart est encore plus marquant dans le Sud Philippin.

Si l’île de Mindanao est connue aux Philippines comme « la terre des promesses », elle est surtout celle des promesses non tenues, avec plus de 50% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté[16], le plus haut taux de mortalité infantile des Philippines (64%), et le moins de population alphabétisée avec juste 40%[17]. Administrativement divisée en six régions, dont la région autonome musulmane de Mindanao (ARMM[18]), elle est constituée de vingt-trois provinces. Sur les vingt millions d’habitants, seul 20% d’entre eux sont musulmans ; par une politique de transmigration officielle au début des années 1950, opérée à partir des îles du Nord, les chrétiens sont en effet devenus majoritaires[19]. Sur l’île de Basilan, la population atteignait les 330 000 habitants en 2000 dont une majorité de musulmans et 35% de chrétiens ; Basilan est constituée de six municipalités, toutes partie intégrante de l’ARMM.

A titre d’exemple, Basilan est la quatrième province la plus pauvre sur les soixante-dix-sept que comptent les Philippines[20], et possède un indice de développement humain[21] qui est le cinquième des plus bas de la République. Une situation néanmoins meilleure comparativement aux quatre autres provinces avoisinantes. Toujours à Basilan, alors que 71% de la population est musulmane, les chrétiens possèdent 75% des terres et les chinois contrôlent 75% du commerce. Autant de disparités qui, une fois instrumentalisées politiquement, favorisent et alimentent les mouvements insurrectionnels. Mais Basilan n’est qu’un exemple parmi d’autres ; ainsi, le gouvernement de Manille mettait en place début 2002 le Liguasan Marsh Development Project par le biais de la Philippines National Oil Company (PNOC) ; ce projet, qui concerne l’extraction de gaz naturel, a pour cadre le Liguasan marshland territoire occupé en grande majorité par la communauté Moro. Ceci ne va pas seulement « perturber l’environnement écologique de la région mais également la vie quotidienne des locaux [22]».

Ce qu’il ne faut pas oublier de préciser avant d’aller plus loin dans l’appréciation de la rébellion musulmane du Sud, c’est qu’il existe aux Philippines d’autres forces centrifuges occupant grandement les Forces Armées Philippines (Armed Forces of Philippines, AFP) et les forces de Police, comme les quelques cinq mille combattants communistes de la Nouvelle Armée du Peuple (New People’s Army, NPA, crée en 1969). Branche armée maoïste du Parti Communiste Philippin (Communist Party of the Philippines, CPP, crée en 1968), la NPA est plutôt active dans le Nord de l’archipel, précisément dans les régions rurales de Luzon (Nord), mais aussi dans quelques zones reculées à l’intérieur de Mindanao et enfin dans les îles de Samar et Panay (dans les Visayas). Par ailleurs, il faut compter également dans ces forces centrifuges, le Front Démocratique National (National Democratic Front, NDF), une alliance d’organisations conduites ou influencées par le CPP. Le NDF mène une « guerre populaire démocratique » contre « l’impérialisme, le féodalisme, la bureaucratie capitaliste » et vise à mettre en place un Etat Démocratique National, une étape dans l’édification du socialisme.

La naissance de la lutte et Front Moro National de Libération, MNLF

« Avec la formation du MNLF, le conflit de Mindanao a escaladé rapidement. La Loi martiale fut imposée dans tout l’archipel des Philippines et l’armée reçu carte blanche pour utiliser tous les moyens qui s’avèreraient nécessaires pour éliminer l’insurrection armée musulmane [23]» ; ces mots de Peter Chalk, spécialiste de la région, résument l’ampleur du conflit qui, depuis plus de quarante ans, voit s’affronter le gouvernement philippin et le premier mouvement musulman insurrectionnel moderne. Premier car trois principales[24] organisations occupent le terrain politico-militaire : le Front Moro National de Libération (Moro National Liberation Front, MNLF), le Front Moro Islamique de Libération (Moro Islamic Liberation Front, MILF) et le Groupe Abu Sayyaf (Abu Sayyaf Group, ASG).

A la fin des années 1960, des commandos semaient le trouble et la terreur auprès des musulmans de Mindanao ; il s’agissaient d’individus apparemment soutenus et financés par des politiciens chrétiens et des dirigeants de sociétés qui souhaitaient mettre la main sur le foncier pour la prospérité de leurs affaires. En 1971, un de ces commandos attaqua une mosquée et tua soixante-cinq hommes, femmes et enfants ; trois ans auparavant, le 18 mars 1968, vingt-cinq militaires d’origine musulmanes furent massacrés dans un camp de l’armée philippine à Corregidor. Ce dernier incident, connu sous le nom de « massacre de Jabidah », ainsi que les autres événements cités déclenchèrent l’indignation au sein des Moros et furent à l’origine du lancement de la lutte contre Manille, de la cristallisation du mouvement de révolte de type identitaire.

En premier lieu, se créa le Mindanao Independance Movement (MIM) sous la direction d’un certain Datu Udtog Matalam, responsable politique de la province de Maguindanao. Mais la guérilla entamée par ce mouvement provoqua la réaction des chrétiens de neuf des provinces revendiquées et créèrent des dizaines de milices dans le cadre du mouvement « Ilaga », telles les Civilian Volunteers Organizations (CVOs), les Civilian Home Defense Force (CHDF) lesquelles furent remplacées par les Citizens Armed Forces Geographical Units (CAFGUs) créées par un décret du Président Aquino en juillet 1987[25]. De l’autodéfense, ces mouvements passèrent rapidement à des missions offensives et meurtrières aux côtés de l’armée régulière des Philippines[26]. Le cycle de la violence était lancé.

Des jeunes du MIM furent envoyés en Malaisie pour parfaire leur entraînement et, à leur retour, en 1969, ce sont quelques uns d’entre eux qui créèrent le MNLF. Les rebelles établirent leur première base, « Barrio Tran », à Lebak dans la province de Cotabato.

Le MNLF est le plus ancien des trois mouvements insurrectionnels du Sud Philippin, mais aussi la matrice des deux autres. Crée par Nur Misuari, le MNLF avait réussi a gagner le soutien de l’Organisation de la Conférence Islamique (Organization of Islamic Countries, OIC) par l’entremise de la Libye[27] ; à la troisième conférence des ministres des affaires étrangères des pays de l’OIC, le Libye présenta un dossier sur « la situation grave des musulmans vivant aux Philippines ». En 1971, le ministre libyen des affaires étrangères et de l’information, Saleh Bouyasser, se rendait aux Philippines et rencontrait les chefs du MNLF, leur affirmant qu’il défendrait la cause du peuple Moro avec son gouvernement. La Libye fut le soutien le plus important du MNLF : la majorité des fonds du mouvement provenant de Tripoli, les combattants du mouvement acquerrant leur entraînement sur le sol même de Libye, et l’idéologie originelle du MNLF étant le « socialisme islamique » cher à Kadhafi. Selon les responsables du mouvement, le MNLF a une idéologie « islamique et démocratique », plutôt en faveur d’une « république fédérale démocratique » à cause du fait qu’il reconnaît que la population de Mindanao et des autres îles environnantes n’est pas entièrement musulmane[28].

Toutefois la Libye n’est pas le seul pays à être partie prenante dans la lutte du peuple Moro. L’Iran est ainsi intervenu très fortement dans le processus de reconnaissance du MNLF et ce, bien sûr, dès la victoire de la révolution islamique à Téhéran en 1979. Visitant l’Iran, Nur Misuari reçu un accueil chaleureux de l’Ayatollah Khomeyni, lequel certifia que « la victoire de la Révolution Islamique d’Iran ne serait vraiment complète qu’une fois acquise la victoire des musulmans Bangsamoro oppressés du Sud des Philippines »[29]. L’Iran ne s’arrêta pas aux mots seuls ; hormis l’envoi de prédicateurs iraniens et de quelques aides financières, en novembre 1979, l’Iran créait un embargo sur le pétrole[30] en direction des Philippines pour faire pression sur le gouvernement de Manille afin que soit appliqué entièrement et réellement les accords de Tripoli[31]. Cet acte était assurément une victoire puisqu’il signifiait que la lutte des musulmans de Mindanao était reconnue à l’échelle internationale.

Le MNLF possède une branche armée, la Bangsa Moro Army, l’Armée de la Nation Moro, laquelle comptait dans ses « grandes heures » environ quatorze mille membres en 1994, selon les estimations de l’Armée Philippines. Le MNLF regroupe, dans ses rangs, des non-musulmans puisque son élément fédérateur est le Bangsa Moro, l’identité Moro, et non la religion. Parmi les plus connus de ces membres non-musulmans, il y a le Pasteur Absalom Cerveza, lequel représente les chrétiens au sein du Conseil Sud Philippin pour la Paix et le Développement.

Géographiquement, les zones d’influences du MNLF sont Sulu, Tawi-Tawi, Basilan et la péninsule de Zamboanga ; il est toutefois également présent dans certains endroits de Lanao Del Sur, Maguindanao, Sultan Kudarat, Saranggani et dans le Sud de Cotabato. Les membres du mouvement sont à prédominance ethnique Taosug, Samal et Yakan.

Le fondateur du MNLF, Nur Misuari, alors qu’il était encore étudiant au tout début des années 1960, avait rejoint le mouvement marxiste Kabataang Makabayan (le KM, Jeunesse Nationaliste) dirigé par José Maria Sison lequel cherchait à établir un nouveau parti communiste aux Philippines. Quand le KM devînt nettement maoïste, Misuari quitta le mouvement. Après 1968, il abandonna même son poste de lecteur à l’université des Philippines pour retourner à Mindanao et prendre la tête du combat pour l’autodétermination du peuple Moro. Du début des années 1970 jusqu’en 1996, Misuari vivait en exil au Proche-Orient, ne faisant que de brèves visites à Mindanao qu’à partir de 1986.

Ayant réussi à plaider sa cause au niveau international, le MNLF était en mesure, grâce à l’aide de la Libye, d’entrer en négociation avec le gouvernement de Manille ; c’est ainsi que le 23 décembre 1976 était signé l’Accord de Tripoli, sous les auspices de l’Organisation de la Conférence Islamique. L’accord comprenait un cessez-le-feu et une garantie d’autonomie pour les treize provinces qui étaient majoritairement musulmanes ; toutefois, les termes de l’accord ne furent jamais entièrement remplis, ce qui relança les combats à un niveau toutefois moindre que ceux d’avant le cessez-le-feu[32].

La période de l’après Accord de Tripoli, celle des années 1980, marqua le temps de la désunion au sein du mouvement Moro avec la création en 1984 du Mouvement Islamique Moro de Libération, le MILF, et la transformation du MNLF en un mouvement populaire majoritairement non armé. En 1986, le MNLF négocia un nouveau cessez-le-feu avec le nouveau gouvernement de Corazon Aquino ; moins d’un an plus tard, le 3 janvier 1987, le mouvement signait cette fois un accord[33] à Jeddah en Arabie Saoudite, dans lequel il renonçait à l’indépendance des régions musulmanes et acceptait l’offre de Manille relative à l’autonomie. Ce sont ces accords de 1987 qui menèrent le Congrès philippin à ratifier l’article 10 de la Constitution de la République portant création d’une Région Autonome Musulmane de Mindanao (ARMM). Toutefois, en novembre 1989, au cours d’un plébiscite, seules quatre provinces acceptaient l’offre d’autonomie[34], leur permettant de bénéficier de leur propre administration législative et judiciaire.

Le 2 septembre 1996, à Davao, sous la présidence de Fidel Ramos, le MNLF entrait dans un nouveau processus de négociation avec le gouvernement de Manille, devenant un grand mouvement politique du Sud des Philippines ; Nur Misuari fut même, pendant une période, Gouverneur de quatre provinces de la Région Autonome Musulmane de Mindanao (ARMM)[35], et près de sept mille cinq cent guérilleros du MNLF étaient intégrés dans les Forces Armées des Philippines (AFP) non sans mal parfois, ceci à cause d’un « choc culturel »[36] ; la structure hiérarchique de l’AFP étant difficilement intégrée par les guérilleros du MNLF, tout comme le caractère régulier et obligatoire de l’entraînement physique et militaire.

Mais des différents politiques (l'opposition de Manille à sa réélection et des divergences à l’intérieur même du Comité Central du MNLF) poussèrent Misuari à reprendre la guerre contre les forces armées philippines ; en exil volontaire ce dernier fut arrêté en Novembre 2001 par les autorités de Malaisie, puis transféré dans son pays d’origine (et jugé pour rébellion). L’entente cordiale avec le MNLF aura duré moins de cinq ans et la lutte armée du mouvement continue aujourd’hui avec des forces assez diminuées dans le cadre de groupuscules épars et quasi autonomes comme le « MNLF Lost Commands » ou encore le « Mutallah force ».

Ce qui pourrait caractériser et distinguer le MNLF, c’est que s’il fut pendant longtemps un mouvement de guérilla armé, il est devenu, en quasi majorité, un mouvement engagé pacifiquement dans la politique et les élections. Il n’est donc pas un mouvement terroriste ni un mouvement islamiste radical.

Le Front Moro Islamique de Libération, le MILF

Autre mouvement insurrectionnel Moro : le Front Moro Islamique de Libération, le MILF. Hashim Salamat, son chef, - qui fut membre fondateur du MNLF - a étudié non seulement à l’université d’Al-Azahr à la fin des années 60 où il se lia aux Frères Musulmans, mais aussi au Pakistan où il fut fortement influencé par Syed Abul A’la Mawdudi du Parti Jamaat i Islami et par Syed Qutb[37].

C’est à son retour du Caire, que les dissensions entre Hashim Salamat et Nur Misuari débutèrent. Salamat se trouvait de plus en plus en désaccord avec Musuari pour des motifs « d’ordre idéologiques, de style de commandement, de personnalité et même d’argent »[38]. Un des désaccords portait sur la croyance en ce que la guerre contre le gouvernement de Manille ne pouvait pas être gagnée et que l’acceptation d’une autonomie était une solution plus « pragmatique » ; un autre motif, et non des moindres, étant le fait que Salamat considère l’Islam comme source première de la légitimité de la lutte engagée contre Manille, et que le politique n’est pas à distinguer du religieux. La question de l’identité est aussi à la base de la discorde entre le MILF et le MNLF ; ce dernier adhère à une notion inclusive de l’identité (incluant donc non-musulmans, chrétiens et Lumads) alors que le premier est plutôt exclusif, se limitant aux musulmans[39].

En 1977, des responsables du MNLF demandèrent aux membres de l’Organisation de la Conférence Islamique et de la Ligue Musulmane Mondiale de montrer son désaccord avec Nur Misuari en tant que chef du MNLF et de reconnaître Hashim Salamat comme nouveau chef du mouvement. Ignorant la pétition, Misuari chassa Salamat du Comité Central du MNLF. En réponse, Salamat créa un autre Comité Central duquel il se fit élire chef et conséquemment se porta à la tête du « Nouveau MNLF ». Sept ans plus tard, le groupe se déclara totalement indépendant et se baptisa MILF.

Au moment de la scission, d’autres groupes apparurent également, le Bangsa Moro Liberation organization (BMLO), crée par Rashid Lucman et Salipada Pendatum. Plutôt proche de Misuari, le BMLO perdit finalement toute influence au début des années 1980. Mais il y eut aussi le Islamic Command Center (ICC), le MNLF-Reformist Group sous la direction de Dimas Pundato.

Pour tenter de catégoriser le MILF, nous pourrions dire qu’il est franchement religieux alors que le MNLF est plutôt considéré comme « séculier »[40] ; si le premier est pour l’établissement d’un Etat Islamique indépendant et souverain, le second est plutôt en faveur d’une autonomie dans le cadre de la République des Philippines. Ainsi, le MILF ne reconnaît pas la République des Philippines, ni sa Constitution ; bien que considéré comme un mouvement fondamentaliste, l’idéologue du MILF, Mohagher Iqbal, avance que son organisation entretien des relations ouvertes avec plusieurs entités de la société civile ainsi qu’avec des partis politiques non seulement à l’intérieur mais aussi en dehors de la communauté musulmane[41]. Mais c’est la rhétorique « islamique » qui a permis au MILF de se distinguer du MNLF et surtout de justifier auprès du monde arabe une assistance sous forme d’armes et de financement (par le biais la Zakat, la « taxe » islamique) ; menant le combat au nom du Jihad, le MILF était, le seul, « en droit » de recevoir ces aides du monde islamique. Ainsi, avec ces aides étrangères, les forces armées du mouvement furent créées, comptant onze mille fusils à la fin 1999[42].

Fort de ces subsides, le MILF créa par ailleurs, au début des années 1980, une trentaine de camps d’entraînement à Mindanao dont son QG, le camp Abubakar, s’étalant sur près de cinq mille hectares. Le camp Abubakar qui regroupe non seulement un camp d’entraînement militaire mais aussi une communauté civile, fait près de quarante kilomètres de long est adjacent à la province de Lanao del Sur ; il compte une sorte d’académie militaire, une prison, une manufacture d’armes, des mosquées, des cours de justice islamique, des écoles, des coopératives de toutes sortes, un marché en autosubsistance. Finalement attaqué par les forces armées philippines en juillet 2000, il capitula. Plus récemment, en février 2003, l’AFP lançait une attaque sur le camp de Pikit, un bastion du MILF ; suite aux affrontements, certaines sources mentionnaient jusqu’à quatre cent morts.

Le MILF qui regroupe surtout parmi les Maguindanao, les Maranaos et les Iranun, compte environ trente mille membres, comprenant quinze mille combattants[43] intégré au sein des Forces Armées Islamiques Bangsamoro (Bangsamoro Islamic Armed Forces, BIAF) dont quelques milliers sont passés par le théâtre afghan et les camps d’entraînement de l’ISI (les services pakistanais). Notons que deux mouvements islamistes radicaux pakistanais très proches idéologiquement de l’ISI, tels le Tablighi Jamaat (TJ) et le Harkat-ul-Mujahideen (HUM), ont participé à l’entraînement des combattants du MILF, tant sur le territoire pakistanais que sur le sol philippin[44]. Tout ceci fait aujourd’hui du MILF, le plus important mouvement insurrectionnel de la région de Mindanao. Le responsable militaire du MILF, Al-haj Murad Ibrahim, avance qu’il commande pas moins de six divisions de combattants dont quelques milliers de vétérans et de philippins « afghans » membres de la « Garde Nationale ». Armé de fusil d’assaut Kalashnikov et de lance-roquettes du type RPG, le MILF aurait reçu depuis 1994, au moins vingt-neuf cargaisons d’armes en provenance du Hezbollah et d’autres groupes extrémistes du Moyen-orient[45]. En février 2000, une dizaine de consultants militaires saoudiens étaient par ailleurs présents à Mindanao, et l’on avance même l’existence sur le territoire saoudien de camps d’entraînements spécifiquement pour les Moros[46].

Le MILF reçoit, par le biais d’organisations islamiques (ONG), des subsides venant de Malaisie[47], du Pakistan et du Moyen Orient ; jusqu’au milieu des années 90, la VEVAK[48] (le Ministère iranien de Renseignement et de Sécurité) aurait aidé le MILF. Au sujet des interventions extérieures en faveur de la révolte islamique Moro, il est intéressant de noter que des luttes d’influences ont eu lieu entre des organismes différents. Si l’influence iranienne fut importante en 1979, elle commença à décliner cependant à partir du milieu des années 80 ; un déclin en rapport direct avec la stratégie engagée dès l’arrivée au pouvoir du chef des services de renseignements saoudien Turki Ibn Fayçal. En effet, à compter des années 1985-1986, les financements et autres participations saoudiennes diverses dans le conflit de Mindanao ont supplantée les efforts iraniens jusqu’à l’évincer quasi complètement. Ce travail accompli par l’Arabie Saoudite a pu se concrétiser grâce à la collaboration de la Ligue Islamique Mondiale, de certaines banques islamiques, de riches princes du Golfe et de nombreuses ONG comme l’Islamic Saturday Meeting Group et l’International Islamic Relief Organisation (IIRO), une ONG constituée entre autres personnages par le beau-frère d’Oussama Ben Laden, Mohammed Jamal al-Khalifa[49].

Par ailleurs, la Chine, pour des motifs stratégiques de déstabilisation de l’archipel, favoriserait également d’une manière ou d’une autre le terrorisme islamique aux Philippines, ceci par le biais du Pakistan et de l’Iran[50].

Des tentatives de négociations ont été entreprises à plusieurs reprises : en juillet 1997, en août 1998, en octobre 1999, en janvier, mars et mai 2000 puis, à l'initiative du Gouvernement de Macapagal Arroyo[51], tant en mars et juin 2001 avec la signature d’un cessez-le-feu, que pendant l’année 2002 ; cependant elles se sont toutes soldées par des échecs suite à des offensives menées tant par l’armée philippines que par les rebelles du MILF.

Pourtant, le gouvernement philippin n’a jamais hésité depuis de longues années à se lancer dans une tentative de conciliation, ne serait-ce qu’en tentant de rapprocher de manière institutionnelle les Moros rétifs. Ainsi Manille créait le Bureau des Affaires Musulmanes (Office of Muslim Affairs, ou OMAR) en 1987, non sans avoir auparavant mis en place des agences du même genre. Toujours dans ses efforts, notons la création de juridictions appliquant la Charia faisant parie intégrante du système juridique national philippin[52], la formation de l’Agence pour le Développement du Sud des Philippines en 1975 et enfin la création d’une Banque Islamique en 1974, banque responsable du développement économique de la région[53].

Mais des événements comme l’attentat[54] du 4 mars 2003 qui s’est perpétré à l’aéroport international de Davao, ville qui compte plus d’un million d’habitants au Sud-Est de l’île de Mindanao, semble avoir modifié quelque peu la donne. En effet, le gouvernement philippins a formellement accusé le MILF bien que ce soit le Groupe Abu sayyaf par le biais d’un de ses dirigeants, Hamsiraji Sali, qui ait revendiqué l’acte terroriste lequel a fait vingt-deux morts et près de cent cinquante blessés. Une semaine avant l’attentat, un autre acte terroriste ciblant des pylônes électriques avait privé de courant électrique plusieurs millions d’habitants. Le 2 avril de la même année, une autre bombe explosait sur un débarcadère de Sasa (le port de Davao), tuant seize personnes et en blessant une dizaine.

Ces actes terroristes et l’attitude du gouvernement philippin survinrent alors que des pourparlers semblaient s’établir entre le MILF et Manille. A la mi-février, la Présidente des Philippines, Gloria Macapagal Arroyo, annonçait officiellement que son gouvernement était prêt à un cessez-le-feu avec le MILF, tout en soulignant que la loi et l’ordre devaient régner à Mindanao ; par ailleurs, le 24 février 2003, la Malaisie et la Libye, respectivement par le biais du ministre des affaires étrangères libyen Abelrahman Mohamed Shalghem et le premier ministre de Malaisie Mohamad Mahatir, avaient offert leur disponibilité pour intervenir en qualité de médiateurs dans le processus de paix entre les parties belligérantes, ceci en marge du sommet du mouvement des pays non alignés à Kuala Lumpur. Le 25 mars, une délégation du gouvernement philippin rencontrait des représentants du MILF.

Le mot compromis n’a jamais existé dans le vocabulaire du MILF à ses débuts : ce sera donc pour certains d'entre eux, l’indépendance de l’Etat Islamique Moro, ou la mort. Certains, car un grand nombre cherchera vraisemblablement un compromis politique avec Manille. Il a été remarqué que le MILF ressemblait à présent davantage à une armée régulière qu’à un mouvement de guérilla, en un sens, il « s’institutionnalise ». Devenu au fil des ans le mouvement politico-militaire le plus puissant, il agit en interlocuteur obligé des autorités et des entreprises locales. Ce qui veut dire que ses membres peuvent de moins en moins se cacher et ainsi ne représentent que moins de problèmes à l’AFP pour les localiser et les combattre[55].

Le Groupe Abu Sayyaf (ASG), « Le porteur de sabre »

Troisième mouvement insurrectionnel, d’une histoire plus récente mais cependant davantage connu, du moins médiatiquement, comptant près de mille combattants, encore plus intransigeant et radical dans son interprétation de l’islam : le groupe Abu Sayyaf (ASG). Notoirement révélé par ses enlèvements et ses décapitation d’otages, le Groupe de combat Abu Sayyaf fut crée par Abdurajak Janjalani en 1991 en compagnie de huit membres du Tabligh[56] ; toutefois, le groupe existait déjà en tant qu’organisation de prédication depuis 1972, à l’initiative de missionnaires iraniens envoyé par Khomeyni. Il aurait porté le nom de « Jundullah 1992 » avant de prendre le nom d’Abu Sayyaf[57].

Parmi les membres de l’embryonnaire Abu Sayyaf, en dehors d’Abdurajak Janjalani et de son jeune frère Khaddafy, se trouvent quelques « figures » : Amilhussin Jumaani, « diplômé » du camps d’entraînement des « prêcheurs révolutionnaires » de Borujerd en Iran ; il y a aussi Galib Andang, plus connu par son surnom de « Commandant Robot », et qui dirige la faction Abu Sayyaf de Sulu[58] en compagnie de Mujib Susukan alias Mujib et Gumbahali Jumdail alias Docteur Abu[59]. Trois sous-groupes portant le nom des îles où ils sont basés structurent le groupe Abu Sayyaf dans les Sulu : Pangutaran[60], Tapul[61] et Jolo[62]. Sur Basilan, les chefs les plus importants sont Hector Janjalani, Burhan Abdullah et Saddam alias Abu Sabir[63] ; au sein de cette dernière île, deux sous-groupes d’ASG ont été identifié, reflétant la géographie : le Pilas group autour de l’île[64] du même nom et le Tapiantana group autour de l’île éponyme[65]. Sur Tawi-Tawi, ASG possède deux pôles : le principal sur Tawi-Tawi même et ses petites îles de l’Est et du Sud, et l’autre sur Sibutu et ses îlots avoisinants, au Sud-Ouest de Tawi-Tawi. Parmi les proches de Khaddafy Janjalani, à la tête de l’Etat-Major d’ASG, se trouvent Mujib Susukan alias Mujib et Aldam Tilao alias Abu Sabaya[66], lequel fut un temps porte-parole du mouvement.

Abdurajak Janjalani est un ancien prêcheur, issu de familles mixtes, chrétiennes et musulmanes, installées sur l’île de Basilan dans le village de Tabuk ; il a fait ses études de théologie et de langue arabe en Libye, en Syrie et en Arabie Saoudite dans les années 80. Pendant ces études, il tomba sous l’influence d’un professeur afghan d’ethnie pashtoune, Abdul Rasul Sayyaf ; c’est ce dernier qui l’initia au wahabisme. Abdurajak Janjalani a servi en Afghanistan à partir de 1986 au sein du groupe fondé par Abdul Rasul Sayyaf, le Ittehad-e-Islami (l’Union Islamique), puis est retourné aux Philippines dans les années 90 ; c’est à son retour qu’il a commencé à prêcher son islam radical et à recruter parmi les désœuvrés et les déçus du combat identitaire musulman.

Implanté principalement dans les provinces de Basilan, Sulu et Tawi-Tawi, mais agissant également dans les provinces de Sarangani et de Cotabato du Sud, le dessein du groupe Abu Sayyaf est l’établissement d’un Etat islamique à Mindanao. Selon les slogans du ASG, tous les chrétiens doivent quitter Mindanao – ou être exterminés – car cette terre appartiendrait en propre aux musulmans.

ASG est financé entre autre par l’Iran, suivi de près par le Pakistan et ses Services, recevant également un soutien « notable » de la Libye ; on se rappelle le rôle joué par Tripoli lors de la libération des otages de Jolo en 2000. A la fin des années 90, l’Iran a même été selon certaines sources[67] jusqu’à envoyer « officiellement » à Manille un vétéran des services de renseignement des Pasdaran, Kamal Sajjadi, pour jauger de la qualité du mouvement. Tout comme le MILF, le groupe Abu Sayyaf reçoit des aides financières et matérielles de la part d’ONG musulmanes, principalement de l’IIRO du financier saoudien, beau-frère de Ben Laden, Mohammed Jamal al-Khalifa[68], ainsi que de Mercy International, une organisation caritative koweïtienne. Khalifa créa aux Philippines l’International Relations and Information Center ainsi que l’Islamic Wisdom Worldwide (IWW) ; cette dernière organisation éditait dans l’archipel philippin des publications islamiques radicales et payait même les voyages de Janjalani[69]. Khalifa avait d’excellentes relations avec ASG et avait nommé le responsable des renseignements du mouvement, Abdul Asmad, directeur financier de l’IIRO à Tawi-Tawi[70]. Mais l’interaction terroriste dépasse ce cadre des simples ONG ; en effet, un important réseau de sociétés philippines, présentes tant dans le secteur commercial que dans celui du bâtiment et créées par Mohammed Jamal al-Khalifa, participaient au financement d’ASG. Le gouvernement philippin ordonnait d’ailleurs en juin 2000 la fermeture de l’une d’entre elles, la Pyramid Trading and Manpower Services, installées sur plusieurs étages d’un bâtiment de Manille[71]. ASG aurait également par ailleurs des liens avec le HAMAS, le Fatah Conseil Révolutionnaire, les organisations Abu Nidal, Al-Afghani, Al-Jihad et Hizbollah[72].

Plusieurs dizaines de membres d’Abu Sayyaf sont passés par le théâtre afghan, et le groupe est très bien équipé tant en moyens de communication qu’en armement[73] : canons couplés ZSU-23-2 et de 75 mm, canons sans recul de 57 et 90 mm, mortiers de 61 et 81 mm, armes anti-char de type RPG2, lance-roquettes de type SAM, fusils d’assaut M16, fusils lance-grenades M203, etc ; bref, il est en cela à même de causer des dégâts très importants et de susciter l’inquiétude. Le groupe Abu Sayyaf est dirigé depuis 1998 par Khaddafy Janjalani, un des frères du fondateur depuis la mort de celui-ci au cours d’un combat contre l’AFP, le 18 décembre 1998. C’est à partir de ce moment-là que le Groupe Abu Sayyaf, pour montrer son attachement à la lutte pour l’identité musulmane et l’autodétermination, a changé son nom pour celui de Al-harakatul Islamiya (Mouvement Islamique) ; toutefois, malgré ce changement de « raison sociale-criminelle », le mouvement est toujours connu sous son nom d’origine.

Comment catégoriser le groupe Abu Sayyaf (ASG) ? Ces sont des « agents agissant pour le seul profit mais qui adoptent des postures idéologiques et politiques ; (…) ce n’est pas un mouvement politique avec un sérieux agenda politique », laisse entendre Eric Gutierrez de l’Institute for Popular Democracy[74]. S’attaquant à des civils innocents, dont des musulmans, ASG peut difficilement se présenter comme des combattants politico-religieux ; par ailleurs, s’attaquant à des non-combattants, ASG ne peut se targuer du titre de mouvement de guérilla.

ASG considère, lui, que toutes ses actions (kidnapping, terrorisme, meurtre, etc.) sont en accord avec l’islam, et que l’extinction des non-croyants est un des chemins menant vers Allah[75]. Force est de constater que ASG agit le plus souvent avant tout pour des bénéfices davantage financier que purement politique ; certes, objectera-t-on, mais de nombreux mouvements terroristes se lancent dans des actes crapuleux dans le but de financer des objectifs politiques. La seule différence toutefois, c’est que ASG ne semble pas apporter une quelconque aide aux populations musulmanes locales pour lesquelles ils sont sensés se battre. Ce sont en fait des bandes criminelles utilisant un vernis islamiste radical pour rallier des sympathies et aides extérieures aux Philippines et, par là même, ayant assez de moyens financiers pour payer des recrues. Les agissements criminels d’ASG ont poussé l’Indonésie voisine à renforcer, fin février 2003, la surveillance aux frontières communes, et des troupes de Jakarta ont été déployées principalement à Miangas et Marore, dans le Nord de Sulawezi (Célèbes), mais aussi aux Moluques et à Halmahera ; en plus des troupes stationnées dans la région, ce sont cent soixante hommes supplémentaires et trois bâtiment de la Marine indonésienne (TNI-AL) ainsi que deux avions de reconnaissance qui ont été mis en place afin de lutter « contre des violations des eaux territoriales indonésiennes et les trafics de toutes sortes » [76].

Quoiqu’il en soit, la présidente des Philippines semble avoir décidé d’en finir avec ASG. Le 28 février 2003, elle donnait quatre-vingt-dix jours à ses forces armées pour éliminer le groupe terroriste ; les 90 jours sont passés, et force est de constater qu’ASG est toujours là. Le 5 mai de la même année, une récompense de cinquante millions de Pesos (1,7 million de dollar de Singapour) était offert à qui fournirait des informations conduisant à l’arrestation des figures clefs du MILF, Hashim Salamat le Président, Al Haj Murad, vice-président responsable des affaires militaires, Ghadzali Jaafar, vice-président chargé des affaires politiques et le porte-parole du mouvement, Eid Kabalu. A la mi-avril 2003, l’on apprenait par l’intermédiaire de Mary Ann Arnado de l’organisation non gouvernementale Mindanao people caucus, que les forces de Police philippines de Mindanao étaient en train d’armer des civils pour en faire des vigiles ou constituer des organisations paramilitaires. Ainsi, ce n’est pas moins de trois cent civils qui auraient reçu des armes et qui auraient été entraînés par la Police afin de créer une sorte de « garde civile » à mobiliser en cas d’attaques de terroristes (du MILF) mais aussi de guérilleros communistes de la Nouvelle Armée du Peuple (NPA, New People Army), encore actifs sur le territoire. Malgré ces initiatives offensives, la lutte contre le MILF reste un défi difficile malgré la confiance de Macapagal Arroyo et de son entourage. Avec le transfert de responsabilité des forces de Police[77] aux Forces armées pour les opérations de sécurité intérieure (Internal security operations, ISO), les combats entre AFP et ASG ne sont pas prêt de finir dans le Sud philippin.

Des liens avec l’entité « Al-Qaeda » ?

Alors, existent-ils des liens entre ces trois organisations avec l’entité « Al-Qaeda » ? L’Amiral américain Denis blair, alors Commandant en chef du Commandement du Pacifique[78], était en mesure d’affirmer, le 3 décembre 2001, que « nous assistons à un accroissement de preuves sur des liens potentiels entre Abu Sayyaf et Oussama Ben Laden » ; de son côté, le Général Richard Myers, alors qu’il était encore chef d’Etat-Major des armées américaines, affirmait lors d’une visite officielle à Manille, que des liens entre « Al-Qaeda » et des organisations terroristes radicales islamiques existaient bel et bien dans la région. Plus concrètement, il est avéré que le groupe Abu Sayyaf a reçu des subsides conséquents d’individus des monarchies pétrolières liés à la mouvance islamiste radicale. Par ailleurs, on sait qu’un agent de l’entité « Al Qaeda », Ramzi Yoesef - arrêté au Pakistan et jugé aux Etats-Unis depuis - est venu aux Philippines en 1994 pour entraîner les Abu Sayyaf. Etant prêt à tout pour de l’argent, les membres d’ASG peuvent donc servir de sous-traitant ou de base de repli pour des organisations terroristes étrangères, tant dans le Sud des Philippines qu’en Asie du Sud-Est en général. Après son arrestation au Pakistan le 1er mars 2003, Khaled Cheick Mohammad, numéro trois présumé de l’entité baptisée « Al-Qaeda », avouait avoir vécu aux Philippines dans les années 90, « partageant son temps entre son activité terroriste le jour et sa vie de play-boy la nuit », selon des responsables du renseignement à Manille. Le Ministre de la défense philippin étant certain, lui, que ce responsable terroriste, qui se présentait comme un riche cheik et qui utilisait plus de vingt identités différentes et qui était un « habitué des quartiers chauds de Manille », possédait encore sur le terrain des « partenaires philippins ».

Né au Koweït, Khaled Cheick Mohammad, titulaire d’un passeport pakistanais, aurait durant son séjour mis en place un grand réseau dans le Sud-Est asiatique qui, au départ, projetait des attentats à la bombe contre des ambassades occidentales en 2001, avant de concentrer ensuite son attention sur Singapour. Les plans ont été mis au point par un musulman de nationalité canadienne, Mohamed Mansour Jabara, lequel aurait été rattaché à Khaled Cheick Mohammad sur ordre d’Oussama Ben Laden lui-même. Jabara aurait commandé des cellules du réseau Jemaah Islamiyah, selon la police indonésienne. Jabara a été fait prisonnier à Oman en mars 2002.

Le MNLF quant à lui, n’a pas encore totalement renoncé à d’éventuels accords plus avantageux avec Manille ; il est donc plus en retrait sur cette question des liens avec le terrorisme international islamiste. Le MILF, de son côté, reçoit certes des fonds d’Oussama Ben Laden mais ne travaillerait pas pour ce dernier ; c’est en tout cas ce que disait Al-haj Murad Ibrahim, chef d’Etat-Major du MILF dans une interview[79].

Là où la chose se complique, pour l’observateur, c’est que d’une part les trois organisations travaillent parfois les unes avec ou pour le compte des autres[80], et que d’autre part, on a de plus en plus de difficultés à distinguer qui est qui et qui fait quoi dans ces manifestations violentes relevant du banditisme, du terrorisme, et parfois même de la manipulation par certaines franges de l’armée philippine. La corruption de certains commandements locaux expliqueraient aussi bien des « bizarreries » ; des sommes versées à certains officiers de l’AFP pousseraient ces derniers à renoncer à attaquer des membres d’ASG ou encore à relâcher des combattants capturés[81]. Ainsi, un rapport[82] officiel - non démenti - mettait en lumière différents cas où des membres d’ASG se seraient échappés « mystérieusement » alors qu’ils étaient totalement encerclés ; « les militaires philippins et les gouvernements provinciaux fonctionnent ainsi en parfaite symbiose ». Ces propos viennent également confirmer les témoignages d’anciens otages[83]. Quelques membres de l’armée philippines favoriseraient ainsi ASG afin qu’il « remplace » le MNLF et le MILF ; il est vrai qu’avec le désordre créé, il est plus facile pour l’AFP de justifier et de recevoir des moyens supplémentaires de Manille[84].

Les Etats-Unis aux Philippines : les véritables enjeux

Les Etats-Unis sont premier partenaire commercial des Philippines, et ils bénéficient d’une image positive dans la population de l’archipel dans son ensemble. Ancienne puissance coloniale, les Etats-Unis ont conservés des liens privilégiés avec les différents gouvernements de l’archipel. Dans le cadre des relations bilatérales, juste après l’indépendance, était signé le US-Philippine Mutual Defense Treaty (MDT) en 1951. Fort d’une base arrière comme les Philippines, Washington lança ainsi des attaques contre la Chine (en 1900 et 1927), l’Union Soviétique (en 1918 et 1920), la Corée (entre 1950 et 1953), l’Indonésie (en 1958), le Vietnam (entre 1964 et 1975), le Cambodge (en 1978) et l’Irak (en 1990).

La Constitution des Philippines de 1987 ne permet à aucune troupe étrangère de stationner dans l’archipel excepté dans le cadre unique d’un traité, et seulement après un vote favorable des deux tiers du sénat. Toutefois, depuis les années 90, par des décrets successifs mais en violation de la Constitution, les liens politico-militaires américaine avec l’archipel se sont accrues comme l’ont prouvé les multiples exercices militaires en commun. Jusqu’en 1992, l’assistance militaire américaine atteignait environ deux cent millions de dollar annuellement.

Mais en 1991, après de nombreuses manifestations anti-américaines, le sénat philippin rejetait la proposition de rallonger le bail permettant aux Etats-Unis de jouir de la base militaire de Subic Bay ; cette base fut donc fermée en même temps que fut rendue inutilisable l’autre base américaine de Clark après l’irruption du Mont Pinatubo. Cette attitude fit tomber à près de zéro dollar l’assistance militaire aux Philippines. Il y a en effet une assez forte opposition nationaliste au sein du sénat, conduite entre autre par Toefisto Guingona, Vice-Président ; ce dernier démissionna de son poste de ministre des affaires étrangères en signe de protestation contre « le développement grandissant des liens avec Washington ». Les sénateurs rebelles à la présence américaine furent qualifiés par les médias locaux de « douze magnifiques[85] ».

En 1999, après un an d’existence grâce à un décret de l’exécutif, le Visiting Forces Agreement (VFA) était pourtant ratifié par ce même sénat, laissant aux Etats-Unis la possibilité de stationner des troupes, certes en moins grand nombre qu’auparavant ; ce changement d’attitude causa de nombreuses manifestations populaires. Le VFA légalisait et cadrait la participation américaine uniquement aux exercices militaires avec Manille et son objectif originel était de préparer les AFP à d’éventuelles menaces extérieures. Ce dessein n’était pas faux puisque la République Populaire de Chine faisait montre d’offensives, surtout à compter du milieu des années 90, spécialement autour de des îles Spratley et autres îlots non loin ou même dans les eaux territoriales philippines. En 2000, les Etats-Unis fournissaient deux millions de dollar d’aide militaire et 1,4 million pour l’entraînement de l’AFP ainsi qu’un avion de transport Hercules C-130.

Suite aux événements du 11 septembre 2001 survenus à New York et Washington, le gouvernement philippin a souligné officiellement et à maintes reprises sa solidarité avec les Etats-Unis. A partir de ce moment, Washington commença a prêter une oreille plus attentive à la question des rébellions islamistes radicales ; c’est ainsi que fut intégré Mindanao et les îles avoisinantes dans le cadre de la lutte américaine engagée contre le terrorisme. Les Philippines étaient devenues « le second front » après celui de l’Afghanistan, selon les dires du sénateur américain Sam Brownback. L’aide militaire américaine qui atteignait neuf millions de dollar cette année-là atteignait les quinze millions l’année suivante, quant au financement pour l’achat d’armes, il passait de deux millions de dollar à dix-neuf pendant la même période[86]. Suite à ce soutien inconditionnel à « la lutte [américaine] contre le terrorisme », Manille recevait par ailleurs huit hélicoptères Bell UH-1H, trois cent cinquante lance-grenades, trente mille fusils d’assaut M-16, un vaisseau de patrouille côtière, des mortiers, des fusils pour tireur d’élite ainsi que des lunettes de vision nocturne[87]. Pour l’année 2003, l’assistance militaire doit passer à 78,65 millions de dollar[88], la somme la plus importante allouée à un pays d’Asie.

Le 13 novembre 2001, eut lieu la signature par l’Amiral Dennis Blair commandant en chef du Pacifique et le Général Diomedio Villanueva, chef d’Etat-Major de l’AFP, d’un accord entre Washington et Manille, faisant du contre-terrorisme partie intégrante du Traité de 1951. Cet accord lança la série des grands exercices en commun, baptisés « Balikatan » (littéralement « épaule contre épaule ») qui se tiennent chaque année au cours du premier semestre ; il permit entre autre de renforcer la lutte contre les rebelles musulmans du Sud philippin avec l’envoi de forces spéciales américaines pour entraîner les AFP à la lutte contre le terrorisme, les quatre objectifs initiaux de « Balikatan » étant : 1) l’amélioration dans l’interopérabilité des forces américaines et philippines contre le terrorisme, 2) l’accroissement de la capacité des Bataillons d’Infanterie du Southern Command américain à Mindanao, 3) développer la qualité dans le traitement du renseignement, et 4) développer la capacité américano-philippine à lancer des opérations civiles, militaires et psychologiques[89].

Un an plus tard, le 21 novembre 2002, dans le contexte des deux traités existants (MDT et VFA), était signé le Mutual Logistics Support Agreement (MSLA). Cet accord, d’une durée initiale de cinq ans, a pour but la facilitation dans l’échange de fournitures militaires et accroît l’effectivité et l’interopérabilité des opérations combinées américano-philippine. ; il accorde plus d’aisance pour les soldats américains opérant dans la région, avec des bases importantes de stockage et des ports maritimes plus « ouverts ».

Comme le dit si bien Doug Bandow, senior fellow du Cato Institute, « moins le monde devient dangereux pour les américains, plus les officiels de Washington se désespèrent de la possibilité de préserver les engagements militaires américains sur l’ensemble du globe »[90]. Ce qui est manifeste en tout cas depuis les événements du 11 septembre 2001, c’est que les Etats-Unis dans le cadre de leur « lutte contre le terrorisme » reviennent à pas de géant dans l’archipel. Pour l’année 2003, les deux pays envisagent pas moins de dix-sept exercices militaires en commun[91] dans le cadre des opérations « Balikatan », « Balance Piston », « Cobra Gold », « Makani Pahili », « Palah », « Flash Piston », « Talon Vision », CARAT, SEACAT, « MarSeaex », du « Marine Incremental Exercice (MIX) Program », du « Cooperative Cope Thunder », du « Security Assistance Training Module (SATM) ». En un sens, les attentats de New York et de Washington furent une opportunité pour le gouvernement américain puisqu’ils lui ont permis de dépasser les réticences politiques intérieures philippines ; la Présidente Gloria Macapagal-Arroyo ayant définit l’intérêt national de son pays comme « l’association de la lutte contre le terrorisme international et de la lutte contre le terrorisme à l’intérieur des Philippines »[92]. Mais Manille et Washington fonctionnent depuis de longue date en symbiose ; ainsi, si au moment de la guerre américaine contre Irak, début 2003, les Philippines expulsèrent Husham Hussein, un diplomate irakien, suspecté d’avoir « des liens avec le groupe Abu sayyaf », pendant la première guerre du Golfe en 1991, Manille expulsait Jasim Al-Ani, un autre diplomate irakien accusé, lui, d’avoir des liens avec des terroristes philippins accusés d’un attentat visant une bibliothèque américaine.

Toutefois l’inquiétude demeure parmi certains hommes politiques de Manille, lesquels voient dans les relations « très étroites » avec Washington, les principes de leur Constitution toujours bafoués, surtout que l’idée d’un plan américain pour la construction d’un grand port militaire à Général Santos City (Sud-Est de Mindanao) semble de plus en plus se faire jour[93]. Monseigneur Fernando Capalla, archevêque de Davao, soupçonne quant à lui, que le renouveau des hostilités entre l’AFP et le MILF a été déclenché à dessein par le ministre de la défense, Angelo Reyes, dans le but de créer les conditions d’un retour des forces américains aux Philippines[94].

Notons qu’à la parution du Country Reports on Human Rights Practices pour l’année 2001 par le département d’Etat américain, il était rapporté, pour les Philippines, « de sérieux problèmes dans certaines zones » ; plus précisément, il était dit que « des membres des services de sécurité sont responsables de liquidations extra-judiciaires, de disparitions, de torture, d’arrestations et de détention arbitraires ». C’est la raison pour laquelle Washington, afin d’anticiper la possibilité que des personnels militaires américains déployés aux Philippines soient accusés d’agir contre les droits humains, offrit pas moins de trente millions de dollar supplémentaire en échange d’un accord qui « exempterait les soldats américains opérant aux Philippines, de la Court Criminelle Internationale »[95].

Un avenir incertain.

Les Philippines souffrant de plusieurs maux comme une économie faible, une pauvreté dominante, et une situation politique assez instable, la base d’une solution pour la résolution des conflits dans le Sud des Philippines passe immanquablement par l’aide aux populations les plus démunies. En améliorant la situation économique des musulmans de Mindanao comme des îles avoisinantes, et en poursuivant la politique entreprise d’autonomisation, les motifs d’une grande partie des membres des groupes insurrectionnels pourraient disparaître. Toutefois, étant donnée le peu de chance de redémarrage de l’économie mondiale et par voie de conséquence de l’économie locale, le règlement à moyen ou long terme des conflits à Mindanao est plutôt sombre. Des aides extérieures, par le biais du FMI ou de l’ONU, ou encore de certains Etats bien disposés à l’égard de Manille pourraient alors jouer en ce sens un rôle capital et positif ; dans ce cas, un encadrement et un suivi du processus de paix par des autorités internationales restent plus que souhaitable afin d’éviter toute contestation par l’une ou l’autre des parties.
Notes :

[1] Terme visayan qui signifie « né de la terre ». Les Lumads sont considérés comme les autochtones de Mindanao regroupant dix-huit sous groupes ethnolinguistiques.
[2] Cf. « Indigenous peoples/ethnic minorities and poverty reduction ; Philippines ». Asian Development Bank, Manille, Philippines, Juin 200.
[3] Sources : Tulalan, The Philippines South, in :
www.seasite.niu.edu/Tagalog/Mindanao_Culture/mindanao_culture.htm
[4] Pour plus d’informations sur cet étonnant et atypique peuple, on pourra lire le livre de François-Robert Zacot « Peuple nomade de la mer. Les Badjos d’Indonésie », Maisonneuve et Larose, 2003.
[5] Abhoud Syed M. Lingga : The Muslim minorities in the Philippines. Conférence présentée au symposium « Islam in Southeast Asia and China : regional Faithlines and Faultines in the Global Ummah », (28 novembre-1er décembre 2002 à la City University of Hong Kong). L’auteur fait partie de l’Institute of Bangasamoro Studies.
[6] L’Espagne, dans le cadre du Traité, céda les Philippines aux Etats-Unis pour 20 millions de dollar.
[7] Il est intéressant de noter que dans leur « Déclaration des Droits et Objectifs » datée du 1er février 1924, des chefs musulmans réunis à Zamboanga, proposèrent que « les îles de Mindanao et Sulu, ainsi que l’île de Palawan soient faites territoire non-intégré des Etats-Unis d’Amérique », ceci par anticipation, au cas où les Etats-Unis décoloniseraient, afin que le territoire des Bangsamoro puisse bénéficier d’une indépendance séparée. Cf. Jubair Salah : « Bangsamoro : A Nation Under Endless Tyranny », IQ Marin SDN BHD, Kuala Lumpur 1999.
[8] D’autres, dans le même esprit, disent que les Philippines sont le résultat de « 400 ans d’évangélisateurs et de 50 ans d’hamburgers ».
[9] Abhoud Syed M. Lingga : « The Muslim Minotities in the Philippines », étude présentée lors du symposium « Islam in Southeast Asia and China : Regional Faithlines and Faultlines in the Global Ummah », 28 novembre – 1er décembre 2002 à l’Université de Hong Kong. Abhoud Syed M. Lingga est directeur exécutif de l’Institut d’Etudes Bangsamoro.
[10] La résistance à la conquête américaine, entre 1898 et 1901, devait faire 600 000 morts.
[11] Guiamel M. Alim : « The Bangsamoro Struggle For Self-Determination » ; European Solidarity Conference on the Philippines, Philippines Solidarity 2000 : in search of New Perspectives ; 23/25 juin 1995, Hoisdorf, Allemagne. L’auteur est Executive Director de la Kadtuntaya Foundation, Inc.
[12] Carmen A. Abubakar : « Islam in Southeast Asia : Analysing Recent Developments », conférence organisée par l’Institute of Southeast Asian Studies. Cf. actes page 45.
[13] Cf. « Philippines-Mindanao (1971 – first combat deaths) », Armed Conflicts Reports 2002 établi par l’ONG protestante canadienne Project Ploughshares, et aussi Antonio Lopez : « Mindanao’s chance » in Asiaweek (voir http// :pathfinder.com/asiaweek/current/issue/nat4-2.html), et enfin Jane’s Defense Weekly, 4 septembre 1996, p.21.
[14] avec +3,4% de croissance et une inflation de moins de 4%.
[15] Deidre Sheehan : « Held to Ransom », Far Eastern Economic Review, May 25, 2000, pp. 20-21.
[16] Mark Turner : « Terrorism and Secession in the Southern Philippines : The Rise of Abu Sayyaf ». Contemporary Southeast Asia Volume 17 n°1, juin 1995.
[17] Catherine Denni R. Jayme : « The Challenge for Peace in Mindanao : Counter-Insurgency Policies of the Estrada and Arroyo Government for Southern Philippines ». The Maxwell Review, 3 mars 2002.
[18] Autonomous Region of Muslim Mindanao regroupant aujourd’hui quatorze provinces.
[19] Ces vagues d’immigration se composaient essentiellement de population Cebuanos, Hiligaynons, Tagalogs, Warays (Leyte-Samar), Pampangos, Aklanons et Bicolanos.
[20] Chiffres issus du « Philippines Human Development Report 2000 », www.hdn.org.ph
[21] Indice prenant en compte différents éléments comme le revenu, l’espérance de vie et le taux d’alphabétisation.
[22] Carmen A. Abubakar : discussion au cours de la conférence du 15 novembre 2001 intitulée « Islam in Southeast Asia : Analysing Recent Developments », organisée par l’Institute of Southeast Asian Studies, dans ses locaux à Singapour.
[23] « Prospects for Peace in Mindanao », in CANCAPS Bulletin, Novembre 1996.
[24] Un autre mouvement sécessionniste plus récent, le Conseil du Commandement Islamique National (NICC) fut créé en 1994 par Milham Alam, ancien chef d’Etat-Major de la Bangsa Moro Army du MNLF ; le NICC est groupusculaire.
[25]Cf. « The Philippines Country Report on Human Right Practices for 1995 », Bureau of Democracy, Human Right and labor, US State Department, 1996..
[26] Dans les années 70, il y avait près de trente-quatre groupes extrémistes chrétiens anti-MNLF et anti-communistes formés, armés et entraînés par les forces armées philippines. Cf. Peter Chalk, CANCAPS Bulletin, Novembre 1996.
[27] La Libye présida l’OIC de 1973 à 1993, jusqu’à ce que l’Indonésie la remplace.
[28] Chauhan, Rajinder Singh : « Muslims in South East Asia : A study in Minority Problem », Kanishka Publishing House (Inde),1991.
[29] Christos Iacovou : « From MNLF to Abu Sayyaf ; The radicalization of Islam in the Philippines », Institute of Defense Analysis, Grèce, 11 Juillet 2000.
[30] Pendant cette période, les Philippines recevait 75% de ses approvisionnements en pétrole du Moyen-Orient, principalement de l’Arabie saoudite ; les saoudiens ne suivirent pas Khomeyni et son embargo, mais néanmoins ils annulèrent quelques contrats garantissant à Manille du pétrole supplémentaire.
[31] Cf. supra.
[32] John Gershman : « Moros in the Philippines », in Foreign Policy in Focus (FPIF), Self-Determination Conflict Profile.
[33] Signé par le Sénateur philippin Aquilino Pimente, Nur Misuari ainsi que par le secrétaire général de l’OIC, Shariffudin Pirzada en tant que témoin.
[34] Officiellement mise en place le 6 novembre 1990.
[35] Comprenant Sulu, Tawi-Tawi, Maguindanao et Lanao del Sur.
[36] Propos du Major Général du MNLF Abou Amri Taddik, in « Disarmament, Demobilization and Reintegration : The Mindanao Experience » de Merliza M. Makinano et Alfredo Lubang, préparé pour l’International Security Research and Outreach Programme – Internat Security Bureau, Février 2001.
[37] Cf. « The Moro Struggle for Self-Determination and the Moro Islamic Liberation Front », interview d’Hashim Salamat parue dans le numéro 23 d’avril-mai 1998 de la revue Nida’ul Islam.
[38] Marites Danguilan Vitug et Glenda M. Gloria : « Under the Crescent Moon : Rebellion in Mindanao ». [Quezon City : Ateneo Center for Social Policy and Public Affairs and Institute for Popular Democracy, 2000], p.121.
[39] Eric Gutierrez : « Rebels, Warlords and Ulama », Institute for Popular Democracy, Quezon City, Kristina Gaelan et Mara Stankovitch éditeurs, 2000.
[40] « Under the Crescent Moon : Rebellion in Mindanao ». Op. Cit., p.124.
[41] Morados, Macrina et Editha Cabanban : interview avec Mohagher Iqbal, in Accord : An International Review of Peace Initiatives ; Londres, décembre 2001. Cf. le site de Conciliation Resources : http// :www.c-r.org
[42] Richard W. Baker et Charles E. Morrison : Asia Pacific Security Outlook 2000 ; [Tokyo, Japan : Japan Center for International Exchange, 2000], p. 130.
[43] Selon les services de renseignements états-uniens et le Jane’s Intelligence.
[44] B. Raman : « Explosion in Southern Philippines : The Background. », South Asia Analysis Group, Paper n°622 du 5 mars 2003.
[45] Cf. « Islamic Insurgency in the Philippines Primer », USCINCPAC, Virtual Information Center, 24 mars 2000.
[46] Op. Cit.
[47] Ceci dans les années 70, quand le premier ministre du Sabah voisin d’alors, Tun Mustapha - dont la famille était originaire de Sulu - était en poste. Toutefois, la Malaisie a toujours reconnu officiellement la souveraineté des Philippines.
[48] Vezarat-e Ettela’at va Amniat-e Keshvar.
[49] Cf. « Les ONG de l’islamisme » d’Antoine Colonna, in « Guerre secrète contre Al-Qaeda », ouvrage collectif du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), sous la direction d’Eric Dénécé, Ellipses 2002.
[50] Op. Cit.
[51] Arrivée au pouvoir le 20 janvier 2001.
[52] Loi instituant le Code des Personnes Musulmanes de 1977.
[53] Pour ces efforts du gouvernement philippin, voir « Domestic and External Factors Influencing The Islamic Movement in Mindanao » de Carmen A. Abubakar, Professeur à l’Institut d’Etudes Islamiques de l’Université de Manille, in Islam in « Southeast Asia : Analysing Recent Developments », Institute of Southeast Asian Studies, Singapour, janvier 2002.
[54] Un autre attentat se produisait quelques minutes plus tard dans une gare routière de Davao mais sans faire de victimes.
[55] Mikael Weissmann : « Islamic Fundamentalism and its impact on the possibility to achieve peace in Mindanao », University of Queensland, Department of Government, subject GT218, 17 mai 1999.
[56] Association d’environ 300 000 membres regroupés dans le Sud philippin.
[57] Alfredo Filler : « Muslim Militancy : A new threat to security and stability, a Philippine viewpoint », papier préparé pour les Forces armées des Philippines, juillet 1995.
[58] Village de Talipao, au centre de l’île.
[59] Parmi les lieutenants de ce groupe se trouvent : Omar Sahibol, Abu Pula, Basuan Pael, Jawani Susukan et Ismin Sabiro.
[60] Regroupant les îles de Kulassein, Panducan, Teomal et Ubian du Nord, au Nord-Ouest de Jolo.
[61] Au Sud de Jolo et regrouppant les îles de Lapac, Siasi, Lugus et Kubingaan.
[62] Y compris les îles de Pata au Sud de Jolo, Cabucan et Rubuan au Nord-Ouest, et les îles Gujuanga, Capual et Bitinan au Nord-Est.
[63] Nous pouvons citer également Al-Al L. Manatad, K. Alpha, Bakkal Hapilon alias Abu, Omar Daluyan, Hamzer Umbong, Jumadil Arad alias Abu Huraira, Nur Mohammad Umog, Hamsiraji Sali alias Jose Ramirez Burkis, Mauran Ampul alias Tiger Look et Hamsiraji Radji Sali alias Jose Unding.
[64] Qui comptent les îles de Balukaluk et de Dasslan, au Nord-Ouest de Basilan.
[65] Avec les îles Tatalan, Saluping, Linawan et Bubuan, au Sud de Basilan.
[66] Tué le 21 juin 2002 au cours d’une course-poursuite avec l’AFP au large de la ville de Sibuco à Zamboanga del Norte.
[67] Yossef Bodansky, directeur de la Task Force on Terrorism and Unconventional Warfare of the US Congress, analyste au sein du Freeman Center for Strategic Studies (Houston, Texas). Cf. www.freeman.org
[68] Docteur Graham H. Turbiville, Jr. : « Bearers of the Sword Radical Islam, Philippines Insurgency, and Regional Stability ». Military Review, mars-avril 2002.
[69] Rohan Gunaratna : « Al-Qaida ; au cœur du premier réseau terroriste mondial », Ed. Autrement, Coll. Frontières, 2002, p.217.
[70] « Special Report on Mohammad Djamal Khalifa », Directorate for Intelligence, police nationale philippines, Manille, s.d., p.3.
[71] Rohan Gunaratna , Op. Cit. p.218.
[72] Mikael Weissmann : « Islamic Fundamentalism and its impact on the possibility to achieve peace in Mindanao », University of Queensland, Department of Government, subject GT218, 17 mai 1999.
[73] Essentiellement en provenance d’Iran, surtout dans la seconde moitié des années 90.
[74] Cf. Eric Gutierrez : « Rebels, Warlords and Ulama », Institute for Popular Democracy, Quezon City, Kristina Gaelan et Mara Stankovitch éditeurs, 2000.
[75] Merliza Makinano : « Terrorism as a threat to national security », OSS Working Paper, 1997.
[76] Propos du Commodore Eddy Santoso rapportés par Tempo interactive du 25 février 2003.
[77] La Police (PNP, Philippines National Police) devant se concentrer uniquement sur les problèmes de criminalité mais devant apporter son aide à l’AFP lors des ISO.
[78] Il est devenu depuis, en quittant ses fonctions, membre éminent du CFR.
[79] Cf. Asian Wall Street Journal, 12 février 2002.
[80] Cf. les propos du Brigadier Général Edilberto Adan, dépêche de l’Agence France Presse du 11 février 2002.
[81] « Philippines : le temps revenu de la stabilité ? » in Mondes Rebelles, août 2002.
[82] « Basilan : The Next Afghanistan ? » Etabli par un groupe international composé de parlementaires, d’universitaires, de militants des droits de l’homme et des membres de la société civile, au cours d’une mission en mars 2002 à Basilan.
[83] Jose Torres Jr. : « Into the Mountain : hostages by the Abu Sayyaf », Quezon City, Claretian Publications, 2001.
[84] Correspondance de l’auteur avec John Gershman, membre du Foreign Policy In Focus et spécialiste du sud-est asiatique.
[85] « The Magnificent Twelve » ; un clin d’œil au titre original du film de John Sturges de 1960, « The Magnificent Seven » (Les sept mercenaires). Ces douze furent : Agapito Aquino, Juan Ponce Enrile, Joseph Estrada, Teofisto Guingona, Sotero Laurel, Ernesto Maceda, Orlando Mercado, Aquilino Pimentel Jr., Rene Saguisag, Jovito Salonga, Wigberto Tañada et Victor Ziga.
[86] John Gershman : « Closer Military Ties May Mean Deepening War in the Philippines », A Global Affairs Commentary, in Foreign Policy In Focus, 16 novembre 2001.
[87] Frida Berridan : « Terror and Torture in the Philippines », Foreign Policy in Focus, 21 février 2003.
[88] Cf. les propos du Capitaine Steve Wulman, porte-parole des forces américaines dans le Sud des Philippines in The Philippines Daily Inquirer, du 13 janvier 2003.
[89] Albert Del Rosario, ambassadeur des Philippines aux Etats-Unis : « A Progress Report on The Philippines : The Balikatan Exercices, The Abu Sayyaf, and Al-Qaeda », in Heritage Lectures n° 738 du 26 mars 2002.
[90] Cf. « Instability in the Philippines ; A case Study for US Disengagement », in Foreign Policy Briefing n° 64 du 21 mars 2001.
[91] Paolo Romero : « RP, US set 17 military exercices next year », in The Philippines Star, 25 décembre 2002.
[92] Mark Lander : « Philippines Offers US Its Troops and Bases », in New York Times, 2 octobre 2001, p.5.
[93] Herbert Docena : « Portents of a Bigger War », in Focus on the Philippines n°12 du 24 mai 2002.
[94] Eglises d’Asie n°372, 1er avril 2003, p.16.
[95] Frida Berridan : « Terror and Torture in the Philippines », Foreign Policy in Focus, 21 février 2003. Frida Berridan est senior research associate à l’Arms Trade Resource Center.

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