14 décembre 2009

Chant de la promotion « Colonel Jean Sassi » - 4e bataillon de l’ESM de St-Cyr

1.
Revenant de la campagne de France,
Vous vous redressez soldat Jean Sassi.
Préparant le jour de la délivrance,
Vous sabotez les armes de l’ennemi.

Refrain.
Courageux et toujours volontaire,
Quel qu’en soit le prix, servir la patrie.
Officier français, noble chef de guerre,
Colonel Jean Sassi, la promotion vous suit.

2.
Valeureux soutien de la Résistance,
Jedburgh, infiltré au coeur de l’action.
Parachuté aux bords de la Durance,
Vous libérez le pays de Briançon.

3.
Au 11ème Choc, combattant d’élite,
De simples soldats vous faites des héros.
Derrière Bagheera se forge le mythe,
De ce bataillon brandissant le drapeau.

4.
Dans Dien Bien Phu des soldats français meurent.
Dans la jungle vous partez les épauler.
Deux milles Méos suivant avec ardeur,
Vous secourez vos compagnons rescapés.

5.
Fidélité, force et sens de l’honneur,
La guérilla comme loi du terrain.
Audacieux vous défendez vos valeurs
« Qui ose gagne » tel sera notre destin.

8 décembre 2009

Promotion « Colonel Jean Sassi »

Poste de commandement de l'ESM et cour Rivoli.

Le 3 décembre dernier s’est déroulée à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, la cérémonie de baptême de promotion du 4ème Bataillon.

Ayant eu le privilège d’être présent (1), j’ai pu suivre les étapes de cette journée, circuler quelque peu dans l’enceinte de l’Ecole, rencontrer différentes personnes et évoquer le souvenir du Colonel Sassi.

Après le déjeuner au Cercle Wagram, les personnes (élèves, familles, parrains et autres invités) se sont dirigées vers l’amphi du Cour Marengo. Devant une salle pleine, après avoir été appelé à la tribune, Yves Sassi - fils du Colonel Sassi - intervînt sobrement pour parler de son père. Une évocation en retenue et finesse, brève mais solennelle.

Dans l'amphi lors de la présentation du parrain.

Quatre élèves-officiers évoquèrent ensuite la biographie du parrain de leur promotion ; à cette occasion de nombreuses photos de la vie tumultueuse et bien remplie du Colonel Sassi furent projetées sur le grand écran. Le petit film réalisé par l’ECPAD sur le GCMA-antenne Laos (2) fut également présenté à l’assistance.

Puis le Lieutenant-Colonel Michel David intervint pour parler d’un des aspects de la vie militaire du Colonel Sassi, à savoir les maquis dans la guerre d’Indochine et plus particulièrement des maquis Malo/Servan au Nord du Laos. A cette occasion, le LCL David parla des Hmongs (appelé communément Méos), communauté montagnarde à laquelle le Colonel Sassi s’était tant attaché. Ce lien fut réciproque. La preuve en était d’ailleurs par la présence dans l’amphithéâtre même, d’un groupe de Hmongs habitant en France, dont le fils de Touby Ly Phoung (3).

Puis ce fut le tour de l’intervention de Bob Maloubier. Figure des services spéciaux, Maloubier évoqua son parcours de « saboteur en chef » durant la seconde guerre mondiale et ses rencontres avec son camarade de combat « Nicole » (pseudo du LTN Sassi à l’époque), notamment à Napé au Laos en 1945 où ils combattirent ensemble contre les soldats japonais aidés du Viet Minh naissant.

La pucelle du 4ème Bataillon

L’insigne de promotion fut ensuite présenté à la salle, l’orateur en détaillant la symbolique (4). Le chant de promotion fut révélé également, chaque strophe relatant un épisode phare de la vie militaire du Colonel Sassi.

Une fois cette réunion achevée, le LCL David et Bob Maloubier dédicacèrent leurs ouvrages respectifs (5), tandis que d’aucuns pouvaient acheter du Champagne à l’effigie de la promotion.

Vers la fin de l’après-midi, un tour au Musée du Souvenir s’imposa. En dehors de l’exposition permanente à l’étage, l’on pouvait admirer les vitrines consacrées au Colonel Sassi, regroupant documents, photographies, armes, fanions, drapeaux et médailles.

Entrée du Musée du souvenir

A dix-neuf heures commençait la cérémonie sur les dalles mouillées du Cour Rivoli, derrière le poste de commandement des Ecoles, sous le commandement du Général Éric Bonnemaison, Commandant les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan et en présence des autorités civiles de la région et du département.

Après la mise en place des troupes, le Cour Rivoli fourmillait d’uniformes bigarrés ; les Saint-Cyriens en Grand-U avec shako et casoar, les Polytechniciens en tenue noire et bicorne, les EMIA, EMCTA et le corps techniques des élèves-Ingénieurs des études et techniques de l'armement en tenue bleue et képi, et bien sûr le 4ème Bataillon en tenue « terre de France » et gants blancs, sans oublier les deux drapeaux et leur garde respective : celui de l’ESM et celui du CPIS (Centre Parachutiste d’Instruction Spécialisée).

Sous un grain breton « traditionnel », eurent lieu tout d’abord la cérémonie de remise des épaulettes d’officier par les parrains des élèves, puis la remise du sabre, symbole du commandement. Une remise de décorations, une revue des troupes eurent lieu également. Puis vint le moment tant attendu de l’Ordre du jour n°4, celui du baptême à proprement parler : Question : « Quel nom donnez-vous au 4ème Bataillon ? » Réponse : « Ce Bataillon portera le nom de Colonel Jean Sassi ! ». Quelques temps après, ce furent les dispositions préparatoires au défilé. Lumières éteintes, toujours sous le grain décidément tenace, du haut de l’avenue d’Austerlitz l’on entendit bientôt résonner pour la première fois le chant du Bataillon nouvellement promu. Le phare de poursuite éclaira alors la troupe qui descendit vers le Cour Rivoli pour se placer, après s’être scindé en deux, sur les dalles carrées, face aux tribunes.

Cour Rivoli et avenue d'Austerlitz

Sous un grain plus léger, la cérémonie s’acheva bientôt sous les applaudissements des personnes en tribune.

L’ensemble des personnes (plusieurs centaines de civils et militaires) se dirigea alors vers le Cercle Le Puloch, pour le cocktail offert par le Général Bonnemaison et ouvert, après une allocution rapide du Commandant des Ecoles, par une petite cérémonie musicale traditionnelle exécutée par quelques Hmongs aux colliers d’argent.

Groupe Hmong dont le fils de Touby Lyphoung (X sur la photo) et personnel du CPIS.

La collation fut l’occasion de discuter avec diverses personnes, dont les membres de Bagheera bien représentés et reconnaissables à leur tenue.

Le cocktail fut alors suivi d’une soirée dansante.

Ce 3 décembre 2009, le Colonel Sassi fut dignement honoré (6) et son nom est désormais lié à Saint-Cyr, gravé officiellement dans la mémoire de l’école.

Les officiers fraîchement émoulu du 4ème bataillon - essaimés aujourd’hui au sein de différentes unités militaires pour quelques mois - garderont, nous l’espérons, l’esprit combattif, l’abnégation, le courage ainsi que la foi en nos couleurs, autant de qualités qui animaient leur parrain jusqu’à ce jour de janvier 2009, lorsqu’il nous quitta.

Notes :

(1) je tiens ici à remercier le Lieutenant-Colonel Olivier le Segretain du Patis, Officier supérieur adjoint du 4ème Bataillon de l’ESM, pour son invitation.
(2) à partir des rushs des films 8mm couleur du Colonel Sassi lorsqu’il était Capitaine en Indochine au cours de son deuxième séjour. On peut visionner ce film à l’adresse suivante :
http://www.ecpad.fr/Ecpa/pagesdyn/data/asp/video.asp?ref=sassi
(3) chef spirituel des Hmongs et ami du Colonel Sassi.
(4) Sur fond rouge et bleu traditionnel de l’ESM ; collier Hmong entourant la tête de Bagheera ; ailes des US-SF pour symboliser les Jedburghs ; insigne laotien du Million d’éléphants avec passementerie ; Légion d’Honneur ; épée gravée pointe vers le ciel ; avec, en bas à gauche, la devise du Bat. Choc AP 11.
(5) Bob Maloubier (en collaboration avec Brigitte Rossigneux), Les coups tordus de Churchill, éditions Calmann-Lévy, septembre 2009 (ISBN-13: 978-2702140062). Michel David, Guerre secrète en Indochine : Les maquis autochtones face au Viêt-Minh (1950-1955), éditions Lavauzelle, 2002. (ISBN-13: 978-2702506363).
(6) De son vivant, le Colonel Sassi avait eu l’honneur de recevoir des autorités du CPES l’insigne de brevet de spécialité OR « n°1 » de Cercottes (Ailes US-SF, panthère noire, étoile, globe terrestre) lorsqu’il fut créé en 2002. Cet hommage lui avait fait alors bien chaud au cœur. Et il est certain que de voir son nom porté aujourd’hui par une promotion de l’ESM lui eut donné la même émotion.

2 décembre 2009

Re-evaluating RI's military structure

Par Philippe Raggi et Faried Kei Lanur.

Since the fall of Soeharto's regime and the beginning of the Reformasi era, there have been numerous reforms in every governmental institution as well as in the national defense forces, also known as TNI (the Indonesian Military). Although these reforms have been slow and laborious, parts of them have been done but others still remain.

Among the ongoing reforms lies the crucial one for Reformasi activists: the abolition of the Territorial Command, more widely known as the Territorial Military Structure (TMS). According to these activists, the TMS should be shut down as a remnant of the Soeharto regime: It was used in the past as a means of oppression to cut short any form of criticism against the government.

Let us remind these reformists that since 1998, Indonesia has become the third-largest democracy in the world, right after India and the United States, with a direct presidential election system implemented since 2004.

So are these activists - who aspire to reform everything at all costs - willing to say that those presidents elected since 1998 have used the TMS to establish their power, eliminate their political rivals and muzzle the people?

In order to have a clear understanding of the issue, we have to recap that in addition to organic elements spread in the territory - mainly in Java - the TNI has other elements that double the administrative structure. Thus, from the village to the province, and from the district to the region, there is a military presence integrated within the command or territorial units.

Why then should we preserve this TMS?

First, because of its role in Indonesia's history; the TNI chose this type of flexible and reactive structure that allowed it to defend and take action against both the Dutch and the Japanese.

With a small number of men, Gen. Sudirman managed to keep alight the torch of sovereignty proclaimed by Sukarno and Hatta on Aug. 17, 1945. No one can deny that without the TNI, Indonesia would never have gained its independence so rapidly.

Second, in spite of a "not-at-war" context, we acknowledge that the ratio of military personnel to citizen is the lowest in the region (0.1 percent), compared to 1.6 percent in Singapore and 0.5 percent in Thailand and speaking of the defense budget, Indonesia's is considered very low (0.6 percent of GDP) as "the defense budgets of the countries in SEA are mostly above 1 percent *if not* 5 percent of their GDP." (See Connie Rahakundini Bakrie in Defending Indonesia, Gramedia, 2009).

Besides, as the Indonesian National Police are not yet able to totally ensure domestic security (due to a deficit in manpower, equipment and territorial competency), the TNI thus has an important role to play with its Territorial Military Structure.

Third, we can be confident the civilians are grateful for the involvement of the military in helping construct roads, hospitals and public buildings, and rescuing people from natural disasters.

Given those elements, there may be one thing that could satisfy and reconcile both activists of Reformasi and the military: the creation of what the French people call "Gendarmerie Nationale". It is a military force with judicial powers that bonds the national territory, which is the case in France, but also in the Netherlands, Italy, Spain and many other democratic countries.

In this point, the Brimob - Mobile Brigade, a special unit of the police - does not fit in the role of the Gendarmerie, precisely because of its insignificant prerogative in judicial matters, its limited manpower, and finally because it is a "projected unit", not a "stationary units", across the whole national territory.

Indonesia, as the largest country in Southeast Asia, must think profoundly of its identity and integrity. Remember that the notion of "internal security" is not synonymous with "dictatorship". It is a working line for any nation-state that respects itself and looks after the well-being of its citizens.

Should we hark back to the terrorist attacks that occurred on Indonesian soil to prove that the threat is still there?

Security thus has a price. That is the reason why we either raise significantly the number of our police servicemen with the necessary equipment so that they can maintain a presence in all the territory, or we maintain the TMS as it is today, but assign it a stricter role and an accountability toward parliament.

We can also create an Indonesian Gendarmerie Nationale with prerogatives that belong to such a unit, i.e. a military unit under the jurisdiction of the Defense Ministry or the Home Ministry (or both) with real and precise judicial power (as those of the police) and operating where the police are absent or have limited presence, i.e. in rural zones.

To reform does not necessarily mean to suppress. Seeking the dismissal of the TMS is not enough: One must propose something tangible and coherent as a replacement.

A choice has to be made by the executive in consultation with parliament. A decision has to be taken on this matter - the sooner the better - not just in order to shush the "Reformasi extremists", but to give Indonesia a real and serious capacity of resilience.

20 novembre 2009

Le Colonel Sassi à l'honneur.

Le jeudi 3 décembre 2009 aura lieu le baptême de promotion du 4ème Bataillon de l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.



Ce bataillon portera le nom de « Colonel Jean Sassi ».

Le grand soldat qu'il fut est ainsi honoré par cette prestigieuse école formant nos officiers; il ne méritit pas moins.
Le Colonel Sassi accompagnera ainsi ces futurs officiers de l'armée française, leur insufflant ces valeurs de toujours : Honneur, Fidélité, Nation et Discipline.


Nous relaterons ultérieurement sur ce blog cette manifestation.

Indonésie-Thaïlande : la croisée des chemins.

Dans la culture javanaise traditionnelle, la « quantité » de pouvoir est toujours constante ; lorsque l’un s’accroit, d’autre(s) s’amenuise(nt) nécessairement, comme dans le principe des vases communiquant (1).

Si l’on appliquait aujourd’hui cette approche à la situation de deux pays d’Asie du Sud-Est, la Thaïlande et l’Indonésie, l’on constaterait effectivement que si l’un est en phase critique et instable (en phase descendante), l’autre au contraire est nourrit de signes positifs, favorables (en phase ascendante).

Depuis environ cinq ans, tant sur le plan économique, politique qu’institutionnel, la Thaïlande et l’Indonésie sont sur des chemins divergents. Cette situation symétrique semble même échapper aux décideurs respectifs de ces deux pays et la tendance apparaît lors comme totalement inéluctable. C’est le fatum des Nations, comme ce fut le cas en Europe dans les siècles passés, avec le déclin du Portugal et la montée de l’Espagne, puis le déclin de cette dernière au profit des Provinces Unies, puis la montée en puissance de l’Angleterre, de la France, etc.

« Au Royaume de Siam »

Ce n’est pas moins de quatre crises qui frappent la Thaïlande aujourd’hui. Nous constatons en effet une crise économique tout d’abord, une crise politique ensuite, une crise insurrectionnelle également et enfin une crise institutionnelle. Le Royaume est dans une période instable mais peu d’observateurs le soulignent.

Dès les derniers moments de la période Thaksin Shinawatra, vers 2004, la Thaïlande connaît un déclin en terme économique, les investisseurs délaissant ce pays qui n’est plus le « petit dragon » des années 80/90. Les scandales politico-financiers touchant la famille de Thaksin n’ayant pas arrangé la situation, bien au contraire. Et bientôt, suite à la situation économique et politique chaotique - lors du deuxième mandat de Thaksin - l’armée prenait le pouvoir (septembre 2006) par un coup d’état « blanc » avec la bienveillance et l’accord du Roi, tant le pays s’enfonçait dans des dérives affairistes et autocratiques.

Un an plus tard, les militaires remettaient le pouvoir au verdict des urnes, tout en fermant l’accès aux partisans de Thaksin (2). Aujourd’hui, après une période transitoire civile, le calme n’est pas vraiment revenu dans le Royaume. Bien qu’il y ait de nouveau un Premier Ministre élu, en la personne de d’Abhisit Vejjajiva, Thaksin Shinawatra et ses partisans ont toujours le désir de revenir aux affaires, et de multiples manifestations ont lieu, essentiellement à Bangkok, semant le désordre dans ce pays qui a adopté une nouvelle Constitution.

Aujourd’hui, la situation politique thaïlandaise est encore dans une situation trouble, voire conflictuelle entre les « rouges » (partisans de Thaksin) et les « jaunes » (opposants à Thaksin et fervents royalistes), sans compter le rôle joué par l’armée royale.


Par ailleurs, une longue et meurtrière situation insurrectionnelle, mettant en scène des mouvements islamistes, gangrène le pays. Pas un jour ne se passe en effet sans que des attaques, des assassinats, des sabotages n’aient lieu dans les provinces de Songkla, Narathiwat, Pattani, Satun et Yala - à majorité musulmanes - jouxtant la Malaisie. Depuis 2004, l’on a recensé près de 4 000 morts tant bouddhistes que musulmans et différentes stratégies ont été testées par les gouvernements successifs sans qu’aucune jusqu’à lors n’ait effectivement fonctionné. Si la Malaisie ne soutient pas ces mouvements islamistes et si elle s’est proposé pour servir de médiateur, Bangkok cependant refuse, ne voulant à aucun prix internationaliser le conflit du Sud en faisant intervenir un tiers dans ce qu’elle considère comme une affaire intérieure. Les années passent donc et rien ne semble aller pour le mieux dans ces cinq provinces du Sud thaïlandais, au point où l’on se demande quand et comment ce conflit pourrait bien s’arrêter.

Quant à la situation institutionnelle, elle n’est pas brillante avec les soucis que cause la question de la succession royale, tant la santé du Roi Bhumipol Adulyadej est de plus en préoccupante et compte-tenu que son fils, le Prince héritier Vajhiralongkorn, ne semble pas être le meilleur candidat désigné pour le trône.

Loin d’avoir le charisme, la popularité et l’ascendant de son père, le Prince héritier n’a pas de surcroit l’aval total de l’armée ni du Conseil Privé du Roi. Ce qui fait qu’après la régence – tenue par le Conseil – il se pourrait que la monarchie vacille, tant il semble qu’un mouvement remette en cause le principe de la Monarchie telle qu’elle existe actuellement, c'est-à-dire une monarchie constitutionnelle. Vraisemblablement, une grave crise institutionnelle se prépare dans ce pays, noircissant davantage la situation générale, déjà pas très brillante.

« Hidup Indonesia »

De son côté, de manière mystérieusement symétrique, l’Indonésie connaît une phase ascendante et florissante. L’année 2009 semble particulièrement être l’année de toutes les promesses pour cet immense archipel, quand bien même des signes précurseurs étaient apparus dès 2004, avec l’arrivée au pouvoir suite aux premières élections au suffrage universel direct (3) du Président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY).

Economiquement, contrairement à nombre de pays, l’Indonésie n’a pas subit les affres de la crise mondiale de 2008 et certains indices économiques (4) sont pour la plupart encourageant et positifs. Les clignotants économiques indonésiens sont au vert et des investisseurs - anglo-saxons mais aussi japonais, coréens du Sud et chinois - l’ont déjà compris, lesquels se reportent sur ce pays.
Politiquement, la situation est également au beau fixe en Indonésie, depuis la réélection de SBY et de la mise en place de son second gouvernement en octobre 2009. Réélu à 60% dès le premier tour, le Président bénéficie d’une légitimité populaire et d’une stabilité parlementaire forte, situation nouvelle depuis la fin du régime Suharto en 1998. Ces élections générales de 2009 (législatives et présidentielles) ont braqué les projecteurs sur cette troisième démocratie du monde (après les Etats-Unis et l’Inde) et ont rehaussé sa stature internationale de ce pays comptant 230 millions d’habitants.

Avec la nomination du nouveau Vice-Président, Boediono - qui est un professionnel (5) et non un politique - c’est un autre signe positif qui fut envoyé, notamment à l’extérieur du pays. Par ailleurs, la composition du gouvernement - en dehors de quelques inéluctables nominations de compromis - révèle là aussi des points positifs. On soulignera par exemple, les ministères des finances et du commerce qui ont conservés leurs chefs (Mesdames Mari Elka Pangestu et Sri Mulyani Indrawati) et les affaires étrangères, qui ont vu arriver un brillant ministre en la personne de Marty Natalegawa (ancien ambassadeur à Londres et représentant de l’Indonésie au Nations Unies).

L’Asie du Sud-Est : là où il faut être

Dans le jeu des vases communiquant, force est de constater que l’Indonésie tient aujourd’hui une position flatteuse, pleine de promesses. Devant la montée de la Chine, le flanc Sud de l’Asie du Sud-Est se révèle de plus en plus stratégique et ceci d’autant plus que l’Indonésie - Etat archipélagique - est à la croisée de nombreux chemins et flux maritimes, culturels et commerciaux (Est-Ouest et Nord-Sud). Il serait bien dommage que les investisseurs et autres hommes d’affaires français loupent ce coche et laissent le terrain à leurs concurrents britanniques, américains, australiens et allemands, pour ne citer qu’eux.

La France (tant le privé que l’Etat) aurait tout à gagner à se lancer dans cette région, d’autant plus qu’elle possède certains atouts non négligeables (6) : un bon capital sympathie et des aprioris positifs de la part des indonésiens en général, sans oublier aussi la présence dans le nouveau gouvernement d’un ministre ayant fait ses études (7) en France. Néanmoins ces atouts s’avéreraient fructueux si seulement nos entrepreneurs français (8) et si nos officiels du gouvernement avaient le sens de l’opportunité.

Notes :

(1) Benedict R. O'G. Anderson dans son ouvrage Language and Power; Exploring political cultures in Indonesia (Chap. 1 The idea of Power in Javanese Culture; pp22-23.) aborde ce trait javanais. De manière synthétique, retenons que : 1) Le pouvoir relève du concret; 2) le pouvoir est homogène; 3) La quantité de pouvoir dans l’univers est constant; 4) La pouvoir ne soulève pas la question de la légitimité.
(2) ce dernier évincé et toujours en exil aujourd’hui.
(3) Les dernières remontant aux années 50.
(4) Taux de croissance, exportations, etc.
(5) Economiste, ancien gouverneur de la Banque d’Indonésie, ancien ministre des finances et ministre coordinateur de l’économie, il est reconnu internationalement.
(6) Des atouts culturels, politiques et sur le plan technique/organisationnel, etc.
(7) A l’Université Sciences et Techniques de Montpellier.
(8) Un atout saisi déjà par Danone, Carrefour et Total, pour ne citer que ces entreprises.

22 octobre 2009

Marty Natalegawa, le nouveau visage de la diplomatie indonesienne

Le Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), élu à une grande majorité (plus de 60%) lors des dernières élections générales dans ce grand pays d'Asie du Sud-Est, vient de nommer son gouvernement. Ce mandat fixé à 5 ans par la Constitution, s'achèvera en 2014.

Parmi les personnalités présentes dans ce second cabinet "Indonésie Unie", figure Marty Natalegawa. Sans préjuger ici des actions futures menées par l'Indonésie en matière de politique étrangère, on peut souligner déjà par la mise en place de ce nouveau chef du DEPLU : 1) de la continuité et de la stabilité de la République Indonésienne; 2) de l'arrivée aux postes ministériels d'une nouvelle génération instruite aux meilleures universités; 3) des signes prometteurs et positifs pour ce pays archipélagique.
Notons que ce nouveau visage de la diplomatie indonésienne a pris forme en 1999 (au départ de Suharto) avec la nomination d'Alwi Shihab au poste de Ministre des Affaires Etrangères, lequel à complètement restructuré et modernisé ce ministère. Son successeur, Hassan Wirayuda, a pour sa part, poursuivi dans cette voie et cet esprit nouveau.

Restent les fondamentaux de la politique étrangères indonésiennes : "Bebas dan aktif", c'est-à-dire, "Libre et active". On peut tout à fait penser que cette orientation se maintiendra avec cette nomination et même qu'elle se renforcera, hissant la République Indonésienne au rang qu'elle mérite au sein des nations, tant l'Indonésie est un pont et un carrefour entre les continents, les civilisations, les peuples.

Arrêtons-nous un peu sur ce jeune et brillant ministre qui semblait désigné depuis au moins deux ans à ce poste et qui est totalement dans la lignée de ses prédécesseurs quant au rôle plus important que devrait jouer l'Indonésie au plan international.
 Photo : Marty Natalegawa et son épouse Sranya, au KBRI de Londres. (Source : KBRI London)

Né à Bandung le 22 mars 1963, Raden Mohammad Marty Muliana Natalegawa est le nouveau Ministre des affaires étrangères de la République d’Indonésie (DEPLU-RI).

Avant sa nomination en date du 21 octobre 2009, Marty Natalegawa fut le Représentant permanent de l’Indonésie auprès des Nations Unies ; il avait présenté le 11 septembre 2007 ses lettres de créance au Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

Natalegawa a commencé sa carrière en 1986 au Département des affaires étrangères de l’Indonésie (DEPLU) ; il était, depuis 2005, Ambassadeur de l’Indonésie auprès du Royaume-Uni. De 2002 à 2005, il était Chef de cabinet du Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie et Directeur général pour la coopération avec l’ASEAN au sein de ce même département ministériel. Marty Natalegawa a aussi occupé le poste de Directeur pour les organisations internationales au DEPLU au début de la décennie écoulée. De 1994 à 1999, il était en poste à la Mission permanente de l’Indonésie auprès des Nations Unies à New York.

Natalegawa a un doctorat en philosophie de l’Université nationale australienne (ANU) en 1993. Il est également diplômé de la London School of Economics and Political science et de Corpus Christi College. Marty est le plus jeune fils de Sonson Natalegawa, ancien directeur de la banque d’Etat Bumi Daya. Il est marié à une femme d’origine thaïlandaise (Sranya) et père de trois enfants (Annisa, Anantha, and Andreyka). 

9 octobre 2009

Enquête sur un Zippo inconnu

J’avais depuis longtemps par devers moi un briquet de marque Zippo trouvé en Asie du Sud-Est.

Sur ce briquet, des marquages (un slogan, un insigne, une date, un lieu, un nom) mais surtout des incertitudes et des inconnues. Incertitudes sur le fait de savoir si ce briquet était un authentique Zippo des années 60 ; inconnues dans le fait de voir un insigne de l’armée que je ne connaissais pas du tout.

Après quelques recherches et de précieuses aides extérieures (1), j’ai finalement eu toutes les réponses que je souhaitais.

Ainsi puis-je présenter maintenant ce Zippo et donner quelques éléments d’explication sur celui-ci.

Le briquet

Sur le Zippo lui-même, il s’avère que c’est bien un Zippo authentique, datant de 1964. L’attestent, les deux points encadrant la marque « Zippo » sur le fond du briquet (un peu à gauche du « Z » et à droite juste au dessus du ®), ainsi que la concordance avec le numéro de modèle (Pattern 2517191).


Le contexte et les gravures

Nous sommes au Vietnam, dans les premières années de la guerre. Suite aux incidents survenus entre le 2 et le 4 août 1964 dans le Golfe du Tonkin (entre destroyers US et vedettes lance-torpilles du Nord Vietnam), c’est l’engagement massif des Américains ordonné par le Président américain d’alors, Lyndon B. Johnson.

Début février 1965, des bases US sont attaquées, dont celles de Pleiku et de Qui Nhon. C’est le début de l’escalade.

Entre 1964-1965 (date figurant sur le Zippo) les soldats US ne sont pas encore du contingent ; la plupart de ceux qui servent là-bas sont encore des conseillers, des formateurs du MAC/V (Military Assistance Command / Vietnam) et/ou des hommes de la CIA.

Parmi ces formateurs et spécialistes, des démineurs. Ils sont brevetés EOD (Explosive Ordnance Disposal), l’équivalent à peu près de notre NEDEX français (Neutralisation et Destruction d’Explosif). L’insigne présent sur le Zippo est celui du deuxième degré EOD (Senior EOD), que devait avoir le propriétaire du briquet. Ces spécialistes étaient regroupés en équipes EOD opérant aussi bien sur terre que dans l’eau, neutralisant tant des bombes non explosées, que des explosifs improvisés (IED). Ces techniciens appartenaient soit à l’armée de terre, à l’armé de l’air, à la Marine ou encore au corps des Marines.

Une EOD Team au Vietnam au milieu des années 60.
Qui Nhon (nom de lieu figurant sur le Zippo) est la capitale de la province de Binh Dinh, en Annam (Vietnam). Elle possède un grand port. Comme dans d’autres endroits du territoire du Sud Vietnam, les soldats US étaient stationnés dans de grandes bases. Dans cette ville un grand nombre d’explosifs y furent « traités » entre 1964 et 1967 par les services spécialisés. Dans cette base de Qui Nhon - où il allait y avoir bientôt aérodrome, hôpital, casernements, dépôts, etc. - furent basée un temps différents unités EOD (US Army, USN, USAF, USMC). Il y a donc congruence entre le lieu et l’unité.

Le slogan présent sur une des faces du Zippo est assez caractéristique de ceux utilisés par les unités allant au contact, qui risquaient souvent leur vie en opération, tels les parachutistes ou les démineurs. Le « Live it up ! » est typique de ces unités d’élite.

Reste encore une question en suspend, le nom « Ho Huu Dix » qui apparaît derrière l’insigne EOD. C’est sûrement la première gravure qui ait figurée sur le briquet. Il se pourrait peut-être qu'il s’agisse du nom de celui qui a réalisé la gravure. Néanmoins, compte-tenu de l’endroit où ce nom se trouve gravé, cela est peu probable. Alors, il y a une autre explication. Une hypothèse pourrait être avancée : le premier propriétaire de ce briquet aurait été ce « Ho Huu Dix », lequel fut - compte-tenu du patronyme - en toute vraisemblance, un soldat de l’armée du Sud-Vietnam ; par la suite, le Zippo changea de main et c’est à cette occasion que les autres gravures y furent apposées.

Conclusion

« Montrez-moi un briquet, je vous trouverai une histoire… » .
C’est un peu ce qui est arrivé. Et il est toujours plaisant de faire ce cheminement de la petite histoire à la grande, d’effectuer ce « retour-amont » comme dirait un René Char. Les choses se disent, prennent sens et finalement éclairent.

Il en va des briquets comme de ces tableaux chinois sur lesquels figurent les marques des différents propriétaires; l'on peut ainsi voir et retracer l'histoire du tableau depuis son premier acquisiteur.

(1) Je tiens personnellement à remercier ici chaleureusement : John Conway, Mark Bacon, Linda Meabon, Don Lenny et Robert Munoz. If you read this page, be sure that I’m deeply grateful for your help !

6 octobre 2009

Anniversaire et réforme des armées indonésiennes


Avec le départ de Suharto et l’avènement de la Reformasi, les forces de défense nationale (TNI, Tentara Nasional Indonesia) - comme d’autres institutions d’ailleurs – se sont engagées dans la voie des réformes. Ces réformes ont été lentes, laborieuses, mais le fait est qu’un certain nombre d’entre elles ont été effectuées, même s’il en reste encore d’autres à mettre en œuvre.

Parmi ces réformes, une semble particulièrement cruciale aux yeux des activistes les plus en pointe : celle de la fin de la structure militaire territoriale. Selon les personnes qui souhaitent que disparaisse au plus vite la fameuse structure militaire territoriale, l’argument avancé est que celle-ci est un héritage de l’Orde baru (Ordre Nouveau) et qu’elle aurait été utilisée par le passé comme un moyen d’oppression dans le but de réduire au silence toute forme de critique contre le gouvernement ainsi que la liberté d’expression.

A ces personnes, il faudrait rappeler que tout de même, depuis 1998, l’Indonésie est devenue la troisième démocratie du monde après les Etats-Unis et l’Inde, d’autant plus avec les élections au suffrage universel direct de 2004 et de 2009. Ainsi, un des « arguments » de ces zélotes ne tient-il plus du tout, car autant que l’on sache, Abdurahman Wahid "Gus Dur", Megawati Sukarnoputri et Susilo Bambang Yudhoyono ne sont pas des dictateurs, ne sont pas des Suharto-bis, ter ou quater : ils sont l’expression de la réelle volonté populaire, laquelle les a porté à diriger l’Indonésie. Ces « réformateurs échevelés » qui veulent tout mettre à bas et très rapidement, iraient-ils jusqu’à soutenir que ces Présidents élus depuis 1998 ont utilisé la structure militaire territoriale pour affermir leur pouvoir, éliminer leurs adversaire et museler le peuple ?

Mais de quoi s’agit-il exactement ? La TNI possède depuis sa création en tant qu’armée révolutionnaire et populaire (non marxiste, faut-il le souligner, tant cela est un cas d’exception dans le monde) en plus d’éléments organiques éparpillés sur le territoire (et essentiellement à Java) des éléments qui « doublent » la structure administrative et qui fait qu’au total, du village à la province, du district à la région, des militaires sont présents, intégrés au sein d’unités territoriales (ce sont les Koramil, Korem, Kodam, Kodim, etc.).

Plusieurs éléments semblent défendre le maintien de cette structure militaire territoriale. Premièrement l’histoire et la culture de l’armée indonésienne. Armée révolutionnaire et populaire, la TNI dès sa création a opté pour cette structure souple et réactive, lui permettant - avec peu d’effectif - de défendre et de mener des actions contre le colonisateur hollandais mais aussi contre les japonais dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale (on l’oubli souvent). Avec peu d’hommes, le Général Sudirman a pu ainsi maintenir le flambeau de la souveraineté proclamée par Soekarno et Md. Hatta, le 17 août 1945. Personne ne peut contester que sans la TNI l’Indonésie n’aurait pas eu son indépendance aussi rapidement. Est-il besoin de rappeler que lorsque les dirigeants politiques indonésiens ont été emprisonnés, seule la TNI était là pour poursuivre le combat et brandir l’étendard de l’indépendance. Ceci appartient maintenant à l’Histoire.

Aujourd’hui, la situation est différente, l’Indonésie n’est plus en guerre, elle ne lutte plus pour faire reconnaître son indépendance aux yeux des nations du globe. L’Indonésie est indépendante, certes, mais il n’en demeure pas moins que si l’on faisait un ratio du nombre de soldats par habitants dans tous les pays d’Asie du Sud-Est et même d’ailleurs, on s’apercevrait bien vite que l’Indonésie a un des taux existant le plus bas. Par ailleurs, compte-tenu du fait que la PolRI (la Police nationale indonésienne) n’est pas encore en mesure (du fait d’un déficit en effectifs et en matériels mais aussi en matière de compétence territoriale) d’assurer la sécurité intérieure, la TNI a encore un rôle à jouer avec sa structure militaire territoriale. Enfin, je pense que les civils indonésiens apprécient grandement de voir ces soldats relevant de cette structure militaire territoriale lorsqu’ils viennent les aider dans la construction de routes, d’hôpitaux, de bâtiments d’intérêt public, etc., ou encore lorsque ces mêmes soldats apportent leur concours en bras et en matériels lors de catastrophe naturelles (et Dieu sait que l’Indonésie est durement touchée ces derniers temps).

Un élément pourrait peut-être satisfaire et réconcilier non seulement les « activistes » de la réforme mais aussi les militaires indonésiens : la création d’une Gendarmerie Nationale : une force militaire dotée de pouvoirs judiciaires, maillant le territoire national, comme cela est le cas en France, en Hollande, en Italie, en Espagne et dans bien d’autres pays démocratiques, européens ou non. Et jusqu’à preuve du contraire, faut-il le souligner, ces pays ne sont pas des dictatures ; ainsi l’argument qui consisterait à lier 1) « militaire doté de pouvoir judiciaire », et 2) « pouvoir dictatorial ou répressif », ne tient pas.

Il faut ajouter, par ailleurs, que les BriMob (Brigades Mobiles) - unités spéciales relevant de la Police Nationale - ne tiennent pas actuellement ce rôle de Gendarmerie, compte-tenu d’une part de leurs maigres prérogatives en matière judiciaire et de leurs effectifs réduits, et d’autre part du fait que ce sont des unités « projetées » et non stationnées sur l’ensemble du territoire national.

L’Indonésie n’est pas un pays comme les autres : c’est un géant. Un géant physique, démographique et géopolitique (l'Indonésie pourrait très bien dans un futur proche apporter son initiale "I" à l'acronyme BRIC, désignant les pays porteurs du XXIème siècle, Brésil, Russie, Inde et Chine). Afin de maintenir son rang de géant d'Asie du Sud-Est, l’Indonésie se doit donc de penser en profondeur son identité et son corolaire, son intégrité ; et une intégrité cela se maintient non seulement vis-à-vis de l’extérieur mais par rapport aux éventuelles menaces intérieures. Il faut bien noter que le concept de « sécurité intérieure » n’est pas en lui-même synonyme de dictature ; c’est un axe de travail pour tout Etat qui se respecte lui-même et qui veille au bien être de ses citoyens. Est-il besoin de rappeler les différents attentats terroristes qui ont eu lieu sur le territoire indonésien pour prouver que ces menaces existent ? Sans oublier qu’il y en a d’autres, mais cela n’est pas notre propos ici.

La sécurité a un prix. Ainsi, (1) soit l’on augmente de manière très importante les effectifs de police (avec le matériel nécessaire) pour qu’elle soit présente de manière significative et satisfaisante sur tout le territoire indonésien, (2) soit l’on maintien la structure militaire territoriale telle qu’elle existe aujourd’hui (quitte à lui assigner des rôles plus stricts, plus cadrés et sur lesquels ces unités devront répondre devant la représentation nationale), (3) soit enfin, l’on créé une Gendarmerie Nationale Indonésienne avec les prérogatives inhérentes à ce genre d’unité : une unité militaire, relevant du Ministère de la Défense ou de l’Intérieur (ou des deux) mais ayant des pouvoirs judiciaires réels et bien précis (tels ceux de la PolRI), et opérant là où la police n’est pas ou peu présente, c’est-à-dire essentiellement dans les zones rurales.

Ce choix a faire est du ressort de l'exécutif après consultation auprès des représentants du peuple. Une décision doit donc être prise en ce domaine - et le plus tôt serait le mieux - afin, non seulement de faire taire ces "réformateurs extrêmistes", mais surtout de doter l'Indonésie d'une réelle et sérieuse capacité de résilience, dirons-nous (pour utiliser un terme en vogue).

Avant de « jeter le bébé avec l’eau du bain », nos « réformateurs professionnels » doivent penser à deux fois avant de demander ou d’exiger la fin pure et simple de la structure militaire territoriale. Réformer ne veut pas dire supprimer ; demander la fin de cette structure ne suffit pas : il faut proposer autre chose de tangible et de cohérent en remplacement, ceci pour poursuivre la fonction de sécurité intérieure du pays. Il en va de l’unité et de l’intégrité du territoire indonésien. Dirgahayu TNI ! [1]

[1] « Vive la TNI ! ». Cette institution a fêté récemment son anniversaire (64 ans), comme tous les 5 octobre.

2 octobre 2009

La nouvelle assemblée indonésienne

Suite aux élections générales de cette année, une des deux chambres - le DPR - a été pourvue dans les premiers jours d'octobre 2009.

23 septembre 2009

Le reniement de soi, c’est le début de la fin

Le Colonel Roger Trinquier en Algérie

Rien n’est anodin et surtout pas l’utilisation de procédures étrangères, de concepts étrangers dans la vie active quotidienne.

Au sein de l’armée française, dans le cadre de l’intégration européenne et américaine - sur les théâtres d’opération où l’OTAN sévit et la France obéit (1) - nous pratiquons des procédures élaborées par des anglo-saxons.

Une procédure n’a rien de banal car elle induit une façon de conduire les opérations, en un mot de conduire la guerre, avec ses concepts, ses approches, ses référents, ses pratiques. Dans l’excellent blog du journaliste Jean-Dominique Merchet, j’ai lu un post récent (23 septembre 2009) qui rapportait des propos d’un « colonel de l'armée de l'air (anonyme) qui a été, en 2008, French Senior Representative - Air Component Command, au sein de l'Alliance - d'abord à Kaboul puis au Qatar. Il détaille les règles d'engagement (ROE) lors des frappes aériennes en Afghanistan ».
Voici les propos de ce colonel :

"L'essentiel du travail tend à limiter le collateral dommage estimate (CDE), poursuit l'officier français (sic !). S'il n'y a pas de CDE, on tape, si les dommages collatéraux sont possibles, ça dépend, notamment du troop in contact (TIC). Et sous feu ennemi, on s'autorisait, pour soustraire un groupe allié à casser un peu de maisons, pour autant qu'il n'y ait pas de risques pour la population civile". "Il existe une no strike list (NSL) comportant 15 à 20.000 points interdits de bombardements : école, mosquées... Quand les pilotes reçoivent les coordonnées, il vérifie si c'est ou non une NSL, ou si une NSL est à proximité. Une mosquée conserve son statut de NSL, sauf si elle est utilisée pour le combat. Si des anti-coalition militia utilisent la mosquée, elle a alors un statut de poste de tir".

On se demande déjà en un premier lieu pourquoi ce Colonel utilise tant de termes anglo-saxons (cela frise le grotesque) alors que des équivalents français simples existent. Vanité dans l'utilisation d'un jargon, peut-être ?

Deuxièmement, on se demande si ce Colonel a assez de recul sur son activité pour juger des aspects négatifs, nocifs, de l’utilisation de concepts et de procédures étrangères. A penser dans une autre langue, à évoluer dans des concepts étrangers, on en vient à penser la réalité avec des outils conceptuels qui ne sont pas issus de notre génie propre et inéluctablement on en vient à être bientôt dépossédé de soi-même.

Le problème c’est que ce genre de pratique existe non seulement au sein de l’armée de l’air mais aussi dans les deux autres composantes (Marine et Terre) de nos forces armées. La chose est grave et mérite que l’on s’en inquiète.

Notre culture nationale, et ici notre culture militaire, s’évanouit peu à peu pour faire place à une culture, à un mode de pensée de l’hégémon du moment.

Ceci est loin d’être banal car s’il est bon de posséder (au moins) une autre langue, il en va différemment quand on agit - quotidiennement - selon les injonctions de cette autre langue, les cadres de pensée et principes étrangers. On en vient à mener la guerre autrement, selon les règles et principes étrangers. Tout cela parce que l’on ne pense plus la guerre (en français), parce qu'on ne pense plus tout court. On agit tels des supplétifs décérébrés moyens, en bons petits soldats de l’hégémon, pour les intérêts, le bien et au service irréfléchi de celui-ci.

Pour maquiller cette défaite de la pensée, nos décideurs responsables et coupables de la chose, avancent des « nécessités pratiques conjoncturelles » (2), des économies d’échelle, etc. Il est bien connu que pour tuer son chien, il est bon de l’accuser d’avoir la rage…

Voilà par exemple que l’on redécouvre en France nos propres penseurs et stratèges militaires (après les avoir rejeté, banni) - tels Roger Trinquier et David Galula - pour la simple raison que les américains en font aujourd’hui l’éloge et en trouvent les mérites, au point même de mettre en pratique ces idées et principes (français d’origine) dans le conflit afghan.

Le Général US Petraeus sauveur de la pensée militaire française ? Il faut dire que le conflit indochinois (1946-1954) a confronté nos jeunes officiers - notamment les Capitaines, comme Trinquier (3) - à un type de guerre jusque là inconnu ; ces brillants soldats ont pensé le conflit qu’ils vivaient (la guerre révolutionnaire) et en ont tiré les enseignements (les RETEX comme on dit de nos jours) au point de théoriser ce que Trinquier appelait cette « guerre moderne », en mettant au point les principes de contre-guérilla, de contre-insurrection. Cet enseignement nous fut très utile en Algérie et il a porté ses fruits puisque le conflit fut gagné militairement par les français (4).

A ne plus penser par soi-même, on oublie très vite qui l'on est, d'où l'on vient et bien sûr où l'on va.


Notes:
(1) Parlons clair !
(2) practicle military necessity, comme dirait notre Colonel de l'armée de l'air anonyme...
(3) Il commença sa participation au conflit indochinois au sein des Commandos Ponchardier en 1946 pour ensuite devenir le chef des GCMA puis GMI.
(4) Politiquement, c’est autre chose… Ce fut une défaite dans laquelle nos soldats n’ont aucune responsabilité.

17 septembre 2009

Noordin Mohammad Top enfin mort !

Noordin Top a été tué le 17 septembre 2009 suite à un raid de l’unité spéciale Densus 88[1], non loin de la ville de Solo, au centre de Java, après avoir échappé à un précédent raid le 8 août dernier.

Terroriste le plus recherché de la Jemaah Islamiyah et encore plus activement depuis les derniers attentats du 17 juillet 2009[2], Noordin M. Top a finalement trouvé la mort au grand soulagement de tous. Mais cette victoire de la Police indonésienne mettra-t-elle vraiment fin aux activités terroristes dans la région ?

Chronologie des événements

Le 16 septembre 2009 en fin de matinée, le Densus 88 arrête un suspect - Rahmat Puji Prabowo - à Pasar Gading, dans la ville de Solo.
A 3 heures de l’après-midi, la même unité de la Police indonésienne arrêtait un autre suspect - Supono, alias Kedu. Les deux suspects avouèrent bientôt qui ils étaient et indiquaient qu’ils se cachaient dans une maison située dans le village de Kepuhsari -localité reculée et située dans la montagne - une maison louée par un homme répondant au nom d'Hadi Susilo, alias Adip.
Peu avant minuit, le Densus 88 se rendait sur place et faisait évacuer les habitants des maisons alentours.
A minuit, l’unité spéciale tentait d’enfoncer la porte de la maison mais les occupant répliquèrent par des coups de feu. La Police savait que 7 personnes se trouvaient à l’intérieur, et parmi ceux-ci une femme enceinte – Munawaroh – la femme d’Hadi Susilo. Il fut intimé l’ordre aux assiégés de se rendre mais ils répondirent par des coups de feu.

Le 17 septembre, à cinq heures du matin, suite à des échanges de tirs, une motocyclette située à l’intérieur de la maison cernée prenait feu. Les suspects se réfugièrent alors dans la salle de bain, tandis que la Police enfonçait un des murs pour pénétrer dans la maison.
Les échanges de tirs continuèrent, et ce jusqu’à 8 heures du matin où l’assaut fut finalement donné. Noordin M Top ainsi que Bagus Budi Pranoto, alias Urwah, Hadi Susilo et Aryo Sudarsono, alias Aji, étaient tous les quatre tués.
Les trois autres personnes à l’intérieur de la maison, bien que blessés, survécurent et furent bientôt emmenés à l’hôpital de la Police à Jakarta Est.
A 11 heures quarante-cinq, les corps des quatre tués au cours du raid arrivaient au même hôpital.
Vers quatre heures de l’après-midi, le chef de la Police, Bambang Hendarso Danuri, donnait une conférence de presse au QG de la Police Nationale (PolRI), et livrait le nom des quatre tués, dont celui de Noordin Mohammad Top. On apprenait que l’identité de Noordin M. Top était confirmée par les empreintes digitales données par la Police malaisienne[3]. Néanmoins un test ADN a été demandé.
Au cours du raid, des documents, des armes à feu ainsi que 200 kilos d’explosif furent récupérés par la Police. Nul doute que les indices recueillis serviront à poursuivre la traque du réseau.

Et si l'on peut se réjouir de la fin de ce terroriste islamiste, il faut néanmoins admettre que pris vivant, Noordin Top aurait pu parler - ainsi que ses trois complices d'ailleurs. Les interrogatoires auraient nécessairement conduits au démantelement plus rapidement son réseau.

La personnalité de Noordin M. Top

Impliqué dans les différents attentats survenus en Indonésie ces dernières années (2002, 2004, 2005 et 2007), et notamment celui de Bali qui fit 202 morts, Noordin M. Top, un malaisien qui avait 41 ans, était un des terroristes de la Jemaah islamiyah[4] (JI) les plus recherchés.

A 27 ans, titulaire d’un Master de l’Université de technologie de Malaisie, il a commencé à suivre des cours dans d’un pensionnat coranique diffusant une idéologie radicale. C’est dans cette école qu’il rencontrait des « ainés » en combat et prédication jihadiste de la Jemaah Islamiyah, tel Hambali (arrêté en Thaïlande en 2003 et détenu depuis par les américains sur l’île de Guantanamo) ou encore Abu Bakar Baashir (en liberté). Noordin devint bientôt le directeur de cette école de 350 élèves.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les autorités de Malaisie fermaient cette école et Noordin partait pour l’Indonésie. Là, sur Java, il créait, avec un autre de ses camarades, une école similaire à celle qu’il dirigeait en Malaisie. C’est de cette école que furent finalisés les attentats de l’hôtel JW Marriot de Jakarta en 2003 et de l’Ambassade d’Australie l’année suivante.

Noordin était un agent recruteur, spécialiste des explosifs et formateur hors pair[5]. A compter de 2004, Noordin prit ses distances avec la JI à cause de rivalités sur les moyens employés[6].
Deux mois, jour pour jour après les derniers attentats de Jakarta, il est finalement mort lors de l’assaut de la Police sur le réduit qui lui servait de cachette.

La fin ou le ralentissement des activités terroristes dans la région ?

Si le résultat du raid est assurément une victoire pour les autorités indonésiennes, il n’en demeure pas moins qu’avant sa mort, Noordin Top a transmis et formé un nombre inconnu de jihadistes en matière de confection et de pose de bombe. Et si la tête pensante de cette faction terroriste a disparu, les membres et les réseaux sont toujours en place.

Comme le souligne Ken Conboy, spécialiste des menaces islamistes, basé à Jakarta, Noordin Top peut être remplacé par au moins trois de ses anciens adjoints qu'il avait lui même formé. Ces trois personnes sont à même "de recruter de nouveaux partisans ainsi que des candidats au suicide". Le premier est Nur Hasbi, recherché en rapport avec les attentats du 17 juillet dernier. Le second, Reno (alias Tedi), en cavale depuis 2005. Le troisième, Maruto Jati Sulistiono, en cavale depuis 2006.

Il va donc certes y avoir dans un futur proche un ralentissement dans les activités de la Jemaah Islamiyah et surement même d’autres arrestations par la Police indonésienne ; cependant la menace terroriste islamiste va encore perdurer dans l’archipel indo-malais.

L'arc de crise stratégique français touchant au terrorisme islamiste commence au Maroc et s'arrête curieusement au Bengladesh. On peut légitimement se demander pourquoi. Des restrictions budgétaires doivent-elles conduire à faire l'impasse sur ce qui se passe au-delà de Dacca ? Il faut espérer que les derniers attentats survenus dans l'archipel indonésien, les activités terroristes continuelles dans le Sud Thaïlandais ou dans le Sud des Philippines, ou encore les menaces grandissantes sur le développement de l’Islam fondamentaliste au Cambodge, la radicalisation de l’Islam Malaisien, etc., vont peut-être faire entendre raison aux autorités françaises, et leur faire prendre conscience que le danger jihadiste est une réalité en Asie du Sud-Est (Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Malaisie, Singapour, Philippines et Indonésie).

Dans cette région du monde, l'idéologie islamiste demeure inchangée et tenace; les réseaux terroristes, les hommes ainsi que les moyens existent toujours; le danger reste donc certain.

Notes:

[1] « Densus » vouant dire détachement spécial et le chiffre 88 faisant référence aux 88 victimes australiennes tuées lors de l’attentat de Bali en 2002. Les australiens participèrent grandement au financement, à la création et à l’entrainement de cette unité d’élite de la Police indonésienne peu après l’attentat de Bali.
[2] Attentats qui ont eu lieu au JW Marriot ainsi qu’au Ritz Carlton de Jakarta.
[3] Il fallut attendre quelques heures avant de confirmer son identité car lors de l’assaut, une explosion le décapita et son corps fut rendu peu reconnaissable.
[4] Mouvement islamiste radical de type jihadiste, désirant l’instauration d’un Califat regroupant la plupart des pays d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Malaisie, Cambodge, Philippines, Indonésie, Brunei, Australie).
[5] Selon les dires du FBI.
[6] Notamment sur le fait précis que des musulmans puissent être victimes lors des attentats perpétrés. Noordin Top n’en avait cure ; pour lui, seul comptait le but final.

16 septembre 2009

Elections générales dans la troisième plus grande démocratie du monde

- Texte arrêté au 20 juillet 2009 -















C’est une grande année électorale en Indonésie puisque s’y sont déroulé des élections législatives et présidentielles. La tenue de telles consultations dans un pays qui compte plus de 230 millions d’habitants est loin d’être anecdotique et se doit d’être salué, tant les indonésiens semblent bien ancrés dans ce processus démocratique, lequel s’est ouvert au sortir de l’ère Suharto en 1998.

En Indonésie, les élections législatives se sont tenues le 9 avril 2009, dans une grande indifférence médiatique internationale, alors qu’il s’agit pourtant du quatrième pays le plus peuplé du monde, après la Chine, l’Inde et les Etats-Unis. L’Indonésie a ainsi élu, au cours d’élections libres, des députés qui épauleront le Président sortant et réélu à une forte majorité[1], dès le premier tour, le 8 juillet.

Ces élections législatives au scrutin proportionnel, ont concerné un grand nombre d’électeurs, proposé beaucoup de candidats, le tout dans le cadre d’une organisation électorale dont on a peu idée en France quant à ses dimensions. Les inscrits sont en effet au nombre de 171 265 442[2], lesquels se sont exprimés dans 519 803 bureaux de vote répartis sur l’ensemble de l’archipel indonésien qui compte 17 000 îles, dont près de 6 000 sont habitées. Plus de sept cent millions bulletins de vote ont été présentés aux votants, afin qu’ils s’expriment sur les 44 partis politiques admis à concourir (38 nationaux, plus 6 partis locaux dans la province spéciale d’Aceh au nord de Sumatra) et ce dans plus de deux millions d’urnes et isoloirs.

Ces élections législatives ont permis non seulement de garnir au niveau national le parlement indonésien[3] ainsi que le sénat[4], mais encore au niveau régional, les assemblées régionales (DPR-D dans 33 provinces et DPR-D régences et 471 municipalités, Kabupaten/Kota). Cette élection à un tour a ainsi permis aux indonésiens d’exprimer, entre autres messages, leur sentiment positif sur l’action menée par le gouvernement du Président Susilo Bambang Yudhoyono.

Au pouvoir depuis 2004, Susilo Bambang Yudhoyono (SBY) est le sixième Président du pays. C’est un javanais, ancien Général de l’armée de Terre, deux qualités qui comptent positivement pour les indonésiens. Au temps où il portait encore l’uniforme, SBY[5] - comme il est communément appelé en Indonésie - était considéré plutôt comme un Général « intellectuel », loin donc de la trempe des Généraux des forces spéciales de l’armée de Terre (Kopassus) ou du commandement des réserves stratégiques (Kostrad)[6] dont étaient issus d’ailleurs le défunt Suharto et nombre de ses dignitaires au temps de l’Ordre Nouveau (1965-1998). SBY est, par ailleurs, titulaire d’un doctorat en agronomie, diplôme dont il est très fier. Les indonésiens, qui ont un sens de l’autocritique et l’humour très développé, disent que leur Président est « un Général diplômé non de Magelang (le Saint-Cyr indonésien) mais de Bogor (Université qui enseigne l’agriculture) ».

Yudhoyono a participé à différentes coalitions gouvernementales après 1998, avant de créer son parti politique (le Parti Démocrate) en vue des élections présidentielles de 2004, élections qu’il remporta au second tour (60,2 %) face à la présidente sortante, Megawati Sukarnoputri.

Quelques enseignements

En donnant au parti de SBY, le Partai Demokrat, une confortable majorité en sièges à l’assemblée nationale lors des législatives, les indonésiens ont donc non seulement souligné un désir de continuité et salué l’action menée par leur président, mais aussi tourné une page de leur histoire, en renvoyant en deuxième position le Partai Golkar, le parti issu de l’ancien mouvement officiel du pouvoir jusqu’en 1998, le Golkar [7].

Mais d’autres enseignements peuvent être tirés de ces élections législatives. Les islamistes légalistes (dits « modérés » dans d’autres pays, comme la Turquie) ont aussi subi un revers électoral en arrivant en quatrième position. Le PKS, Parti de la Justice et de la Prospérité[8], à ainsi frôlé les 8%, alors qu’on lui prédisait largement un score à deux chiffres dans les sondages. « Nous n’avons pas fait un bon résultat car tous les autres partis politiques ont utilisé de l’argent pour gagner ; pas nous. En Islam nous ne pratiquons pas ce genre de chose », confie Imam Nur Aziz, cadre du PKS.

Autre enseignement de ces législatives, la naissance d’un nouveau grand parti politique indonésien, le Partai Demokrat du Président reconduit. SBY peut désormais s’appuyer sur son propre parti pour gouverner et non plus tabler comme par le passé, sur une coalition menée par le Golkar dirigé par son ancien Vice-président, Yusuf Kalla. Désormais le Partai Demokrat dépasse en nombre de sièges le Golkar, mais aussi le Parti Démocratique Indonésien de Lutte[9], dirigé par Megawati Sukarnoputri, fille du fondateur et premier président d’Indonésie, Soekarno. Megawati est arrivée seconde aux élections présidentielles, plus peut-être en raison de son colistier - Prabowo Subianto[10], issu d’un autre parti politique - qu’à ses qualités propres. « A part la cuisine, elle ne sait pas faire grand’chose », disait à son propos l’ancien Président indonésien Abdurrahman Wahid.

Ces élections législatives se sont déroulées en très grande partie dans le calme, à part quelques troubles dans certaines régions comme en Papouasie indonésienne (partie Ouest de l’île de Nouvelle Guinée) ou encore à Aceh (Nord de Sumatra). Point particulier pour cette dernière région, elle était encore il y a moins de cinq ans, le théâtre de luttes séparatistes conduites depuis 1976 par le Mouvement pour un Aceh Libre (le GAM, Gerakan Aceh Merdeka). Immédiatement après le Tsunami, qui ravagea très durement le Nord de Sumatra[11], le gouvernement indonésien de SBY entamait des négociations avec le GAM ; finalement, l’ancien mouvement de guérilla put intégrer la vie politique par une autorisation spéciale permettant la transmutation du GAM en parti politique local. Le parti issu de la guérilla remporta d’ailleurs les élections provinciales (le gouverneur est un ancien chef guérillero). Dans cette province, le Président réélu a réalisé son meilleur score, avec près de 90% de votes en sa faveur : une unanimité pour saluer la paix retrouvée et son principal artisan. Aujourd’hui, la paix revenue, le processus ayant permis cette transformation est cité en exemple : ces négociations sont devenus un modèle pour différents Etats du monde confrontés à des mouvements séparatistes armés[12].

Les conflits séparatistes ont, il est vrai, émaillé l’histoire récente de l’Indonésie ; mais ils sont tous réglés hormis peut-être celui de Papouasie, où surviennent ça et là encore quelques accrochages sporadiques entre séparatistes de l’Organisation pour une Papouasie Libre (OPM, Organisasi Papua Merdeka) et l’armée indonésienne.

L’armée et le pouvoir

L’armée (TNI) tient une place singulière dans ce pays aux épices. Au moment de l’indépendance, en 1945, l’armée populaire issue des groupes de guérillas, était devenue une unité autonome du politique, au point où elle a poursuivi seule le combat contre le colonisateur hollandais, maintenant la flamme de la Revolusi (Révolution nationale). L’armée gagna une légitimité laquelle perdure encore dans les esprits.

La TNI, issue de forces de guérilla, acquit ainsi une place particulière dans les institutions du pays, devenant garante non seulement de l’intégrité du territoire national mais aussi de la Constitution. Naissait bientôt la doctrine de la Dwifungsi (la double fonction) qui imprégna la vie politique jusqu’à la fin de l’ère Suharto en mai 1998. La Dwifungsi donnait à l’armée, parallèlement à ses prérogatives de défense du pays, un rôle social et politique. Social, car l’armée est une réelle armée du peuple[13], qui est présente à tous les rouages et strates de l’appareil administratif civil. L’armée participe aux travaux de voirie, construit des ponts, des écoles, etc. Politique, car les militaires eurent, jusqu’à la chute de Suharto, des places réservées au gouvernement, aux assemblées, étaient nommés ambassadeurs, directeurs de sociétés d’Etat, etc.

Pendant ces années Suharto, période de grand développement économique pour l’Indonésie, l’armée fut peu à peu gangrénée et les intérêts particuliers passèrent bientôt après l’intérêt du pays et des idéaux nationalistes. La corruption se développa et devint consubstantielle à la vie du pays. Aujourd’hui encore, la corruption est un des maux dont souffre l’Indonésie, bien que des efforts notables aient été réalisés[14] lors de la dernière mandature de SBY. Un sigle revient d’ailleurs souvent dans les journaux locaux pour évoquer ce fléau : KKN[15] (pour corruption, collusion, et népotisme).

Le Général Suharto, arrivée au pouvoir en 1965, utilisa rapidement cette Dwifungsi à l’aune ses intérêts, de son pouvoir. Les pratiques économiques et financières peu recommandables devinrent peu à peu la norme dans le pays et l’armée a eu sa part de responsabilité - et de dividendes - dans ces déviances.

Aujourd’hui encore, la situation de la TNI est loin d’être satisfaisante du point de vue moral. Elle est également proportionnellement en sous-effectif, en comparaison des armées de pays voisins. Par ailleurs, elle est sous-équipée et ses soldats mal payés. Ainsi le salaire mensuel d’un soldat indonésien (non gradé) lui permet juste de faire vivre, lui et sa famille, pendant douze jours. On peut davantage comprendre pourquoi, dans certaines provinces, des chefs d’unités se fourvoient dans des pratiques « peu légales » pour apporter des ressources supplétives au bien être de leurs hommes.

L’islam indonésien

On ne le sait pas assez, l’Indonésie est le pays concentrant le plus grand nombre de musulman au monde. Bien que les musulmans représentent près de 85% de la population, l’Indonésie n’est pas un pays islamique ; il n’a pas non plus l’Islam comme religion d’Etat, contrairement à la Malaisie toute proche, où les musulmans comptent pour seulement 60% de la population.

La Constitution mais aussi le caractère singulier de l’Islam dans ce pays, participent à son identité. Le préambule de la Constitution indonésienne fait que ce n’est ni un pays laïc ou laïciste (où la religion est niée) ni un pays religieux. Nous sommes entre les deux, dans une singularité typiquement indonésienne : dans un pays Pancasila (en sanscrit, les cinq principes), fondé sur une idéologie nationaliste[16], élaborée par les pères de la nation. Comme le dit si bien le Pasteur Froly Lelengboto Horn[17], « Le Pancasila est le code génétique de l’Indonésie ».

L’Islam indonésien est dans sa très grande majorité tolérant et ouvert. « Nous ne sommes pas arabes et nous ne confondons pas le Coran avec les chameaux », dit Muhaimin Syamsuddin, un intellectuel indonésien de Jakarta travaillant pour le British Council. « En Indonésie nous sommes dans le monde indo-malais et nous sommes fiers de notre culture. Nous n’avons pas à imiter les arabes », poursuit-il. Arrivé à compter du XIIIème siècle, l’Islam est, en effet, venu s’ajouter à d’autres cultures préexistantes (Hindouiste, Bouddhiste, etc.) sans se substituer à elles. Le syncrétisme est d’ailleurs un trait caractéristique de la culture indonésienne et ce dans tous les domaines, dont le religieux. « En Indonésie nous prenons, nous ingérons et nous aménageons tout », aime à dire le Professeur Syaffi Anwar, directeur de l’International Centre for Islam and Pluralism ; « nous avons soif des choses et des idées nouvelles », ajoute cet intellectuel respecté, défenseur du pluralisme en religion.

Une anecdote permet de situer ce singulier Islam indonésien ; elle concerne l’ancien Président du pays, Abdhurrahman « Gus Dur » Wahid. Alors qu’il allait entrer en fonction après avoir été élu, il se rendit un jour dans son fief de Java Est et médita seul, longtemps, au beau milieu de rizières. Quand des journalistes lui demandèrent ce qu’il faisait là, il répondit : « Il y a en ce lieu des forces bénéfiques qui me parlent et je veux les écouter avec attention. J’ai besoin de ces conseils pour la tâche qui m’attend ». Notons que « Gus Dur » n’est pas n’importe quel musulman : c’est un Ouléma, un docteur de la Loi, ancien chef du Nadhlatul Ulama, le plus grand mouvement musulman du pays et même du monde (45 millions de membres). Fort respecté, il est le représentant de l’Islam traditionnel indonésien, défendant le droit au pluralisme, aux coutumes locales (kajawen, adat) et il critique sans relâche l’idéologie radicale islamique.

Même s’il est électoralement en perte de vitesse, le fondamentalisme islamique est bien implanté en Indonésie. Très actifs sur le terrain et ayant même bénéficié d’une certaine tolérance - voire d’une bienveillance tacite de la part du Président Yudhoyono (peut-être pour des motifs électoraux) - les mouvements islamistes demeurent une menace pour l’unité du pays.

Un carrefour géopolitique

En plus d’être un carrefour (géographique, culturel, civilisationnel, commercial), l’Indonésie est un géant. Un géant physique, démographique et abondant en ressources (agricoles, minières, hydrocarbures, maritimes, etc.). Compte tenu des ces éléments, l’Indonésie possède toutes les clefs pour être un acteur géopolitique de premier plan, non seulement au niveau régional mais aussi international.

Pays plein de promesses et il en faudrait peu pour qu’elles soient tenues au bénéfice de tous ses habitants. L'Indonésie connaît aujourd'hui une croissance de 4% et ce malgré la crise mondiale. Et si l’archipel fut le pays le plus fortement touché en 1997 durant la crise économique asiatique, douze ans plus tard l’on serait tenté de faire un parallèle contrastant avec la Thaïlande : si Bangkok semble accumuler depuis plus d’un an crise politique, crise économique et même crise de régime[18], Jakarta, au contraire, apparaît aujourd’hui plutôt positivement sur tous ces plans, d’autant plus après les dernières élections.

Les priorités du Président SBY réélu sont « le développement économique et la défense du bien-être des indonésiens ; une bonne gouvernance ; la démocratie ; des efforts dans le respect de la loi et l’éradication de la corruption ; un développement plus inclusif et juste ». Il faudra toutefois, en plus de ce programme[19], une réelle volonté et un vrai dynamisme, ce dont Yudhoyono n’a pas faire grand cas durant son premier mandat, se reposant trop sur son Vice-président d’alors.

Yudhoyono compte cette fois davantage s’entourer de techniciens que d’hommes politiques pour mener son nouveau quinquennat. Et pour l’aider dans la mise en œuvre de son programme, SBY a choisi comme Vice-président Boediono, un économiste, javanais, titulaire d’un doctorat de l’Université de Pennsylvanie, ancien Gouverneur de la Banque d’Indonésie et ministre des finances sous la présidence de Megawati. Plutôt apolitique, il a été attaqué durant la campagne par les islamistes sur son manque de pratique religieuse (il est musulman) et car sa femme serait catholique ; des attaques qui n’ont eu aucune espèce d’incidence dans le vote des indonésiens. Pour son futur poste, Boediono a l’avantage également d’être apprécié de la communauté internationale, tant il a fait siens les codes et les rouages de l’économie libérale.

Le nouveau pouvoir en place en Indonésie bénéficie désormais d’un socle solide politiquement parlant et cela préjuge de la bonne stabilité du pays. Reste à savoir néanmoins si l’Indonésie bénéficiera, dans les cinq ans à venir, dans le contexte économique global, du soutien continu des indonésiens et de la bienveillance des investisseurs internationaux pour poursuivre sa réforme et réussir son avenir. Si l’on parle aujourd’hui à foison de la vigueur et de l’avenir radieux des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), il se pourrait que l’Indonésie vienne bientôt ajouter son initiale à ce sigle.

Notes:

[1] Les résultats officiels définitifs sont attendus pour le 25 juillet 2009. A l’heure de la rédaction de cet article, les premiers éléments accordaient dès le premier tour près de 60 % au ticket vainqueur.
[2] Il y eu aux législatives 121 588 366 votants, soit 70,99 % des inscrits, et 104 099 785 bulletins validés.
[3] le DPR, Dewan Perwakilan Rakyat.
[4] le DPD, Dewan Perwakilan Daerah.
[5] Prononcer « Essbéyé ».
[6] Deux unités prestigieuses et d’élite.
[7] Golongan Karya, Groupe fonctionnel. Sous l’ordre nouveau, le Golkar raflait régulièrement 70 à 80% des suffrages aux élections.
[8] Le Partai Keadilan Sejahtera : mouvement très actif, à l’idéologie inspirée par les Frères Musulmans, légaliste, militant pour une réislamisation de l’Indonésie et la mise en place d’un Gouvernement guidé par les principes islamiques.
[9] Le PDI-P, Partai Demokrat Indonesia – Penjuangan.
[10] Ancien Général des forces spéciales (Kopassus), gendre de Suharto, fils d’un chef de l’opposition exilé par le Président Sukarno en 1959. Prabowo quitta l’Indonésie à 8 ans et à son retour en 1967, il intégra l’Académie Militaire, devenant officier. Il a effectué une brillante carrière entachée cependant par des exactions qui le firent quitter l’armée 1998. Il entra ensuite dans les « affaires ».
[11] Sur les 230 000 morts dus au cataclysme, 167 000 étaient Indonésiens.
[12] Le Maroc a ainsi dépêché cette année des émissaires en Indonésie, tout comme le Sri Lanka.
[13] Non marxiste, fait rare dans les mouvements révolutionnaires
[14] Travail effectif d’un bureau anti-corruption (le KPK, Komisi Pemberantasan Korupsi) qui a conduit de hauts responsables (dirigeants de banques, d’entreprises d’Etat, etc.) sous les barreaux. Cependant, l’Indonésie reste encore dans le bas du tableau des pays corrompus, dressé par Transparency International.
[15] KKN : Korupsi, Kolusi dan Nepotism.
[16] Le Pancasila défend : la croyance en un seul Dieu ; une humanité juste et civilisée ; l’unité de l’Indonésie ; un gouvernement du peuple guidé par la sagesse des assemblées délibératives ; une justice sociale pour tous les indonésiens.
[17] Etablie en Nouvelle-Zélande, diplômée de la faculté des Lettres de l'Université d'Indonésie.
[18] La monarchie siamoise risque fort d’être menacée après l’actuel Roi Bhumipol.
[19] On annonce déjà un énorme plan de privatisation des entreprises d’Etat.

26 février 2009

Colonel Jean Sassi (8)
























Khang Khai, Laos, Mai 1954. Le Capitaine Sassi décore un de ses partisans Hmongs.

















Touby Lyphoung, chef spirituel des Hmongs, Khang Khay, Laos, Avril 1954. Mort dans les camps de déportation Viet-Minh.