6 octobre 2009

Anniversaire et réforme des armées indonésiennes


Avec le départ de Suharto et l’avènement de la Reformasi, les forces de défense nationale (TNI, Tentara Nasional Indonesia) - comme d’autres institutions d’ailleurs – se sont engagées dans la voie des réformes. Ces réformes ont été lentes, laborieuses, mais le fait est qu’un certain nombre d’entre elles ont été effectuées, même s’il en reste encore d’autres à mettre en œuvre.

Parmi ces réformes, une semble particulièrement cruciale aux yeux des activistes les plus en pointe : celle de la fin de la structure militaire territoriale. Selon les personnes qui souhaitent que disparaisse au plus vite la fameuse structure militaire territoriale, l’argument avancé est que celle-ci est un héritage de l’Orde baru (Ordre Nouveau) et qu’elle aurait été utilisée par le passé comme un moyen d’oppression dans le but de réduire au silence toute forme de critique contre le gouvernement ainsi que la liberté d’expression.

A ces personnes, il faudrait rappeler que tout de même, depuis 1998, l’Indonésie est devenue la troisième démocratie du monde après les Etats-Unis et l’Inde, d’autant plus avec les élections au suffrage universel direct de 2004 et de 2009. Ainsi, un des « arguments » de ces zélotes ne tient-il plus du tout, car autant que l’on sache, Abdurahman Wahid "Gus Dur", Megawati Sukarnoputri et Susilo Bambang Yudhoyono ne sont pas des dictateurs, ne sont pas des Suharto-bis, ter ou quater : ils sont l’expression de la réelle volonté populaire, laquelle les a porté à diriger l’Indonésie. Ces « réformateurs échevelés » qui veulent tout mettre à bas et très rapidement, iraient-ils jusqu’à soutenir que ces Présidents élus depuis 1998 ont utilisé la structure militaire territoriale pour affermir leur pouvoir, éliminer leurs adversaire et museler le peuple ?

Mais de quoi s’agit-il exactement ? La TNI possède depuis sa création en tant qu’armée révolutionnaire et populaire (non marxiste, faut-il le souligner, tant cela est un cas d’exception dans le monde) en plus d’éléments organiques éparpillés sur le territoire (et essentiellement à Java) des éléments qui « doublent » la structure administrative et qui fait qu’au total, du village à la province, du district à la région, des militaires sont présents, intégrés au sein d’unités territoriales (ce sont les Koramil, Korem, Kodam, Kodim, etc.).

Plusieurs éléments semblent défendre le maintien de cette structure militaire territoriale. Premièrement l’histoire et la culture de l’armée indonésienne. Armée révolutionnaire et populaire, la TNI dès sa création a opté pour cette structure souple et réactive, lui permettant - avec peu d’effectif - de défendre et de mener des actions contre le colonisateur hollandais mais aussi contre les japonais dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale (on l’oubli souvent). Avec peu d’hommes, le Général Sudirman a pu ainsi maintenir le flambeau de la souveraineté proclamée par Soekarno et Md. Hatta, le 17 août 1945. Personne ne peut contester que sans la TNI l’Indonésie n’aurait pas eu son indépendance aussi rapidement. Est-il besoin de rappeler que lorsque les dirigeants politiques indonésiens ont été emprisonnés, seule la TNI était là pour poursuivre le combat et brandir l’étendard de l’indépendance. Ceci appartient maintenant à l’Histoire.

Aujourd’hui, la situation est différente, l’Indonésie n’est plus en guerre, elle ne lutte plus pour faire reconnaître son indépendance aux yeux des nations du globe. L’Indonésie est indépendante, certes, mais il n’en demeure pas moins que si l’on faisait un ratio du nombre de soldats par habitants dans tous les pays d’Asie du Sud-Est et même d’ailleurs, on s’apercevrait bien vite que l’Indonésie a un des taux existant le plus bas. Par ailleurs, compte-tenu du fait que la PolRI (la Police nationale indonésienne) n’est pas encore en mesure (du fait d’un déficit en effectifs et en matériels mais aussi en matière de compétence territoriale) d’assurer la sécurité intérieure, la TNI a encore un rôle à jouer avec sa structure militaire territoriale. Enfin, je pense que les civils indonésiens apprécient grandement de voir ces soldats relevant de cette structure militaire territoriale lorsqu’ils viennent les aider dans la construction de routes, d’hôpitaux, de bâtiments d’intérêt public, etc., ou encore lorsque ces mêmes soldats apportent leur concours en bras et en matériels lors de catastrophe naturelles (et Dieu sait que l’Indonésie est durement touchée ces derniers temps).

Un élément pourrait peut-être satisfaire et réconcilier non seulement les « activistes » de la réforme mais aussi les militaires indonésiens : la création d’une Gendarmerie Nationale : une force militaire dotée de pouvoirs judiciaires, maillant le territoire national, comme cela est le cas en France, en Hollande, en Italie, en Espagne et dans bien d’autres pays démocratiques, européens ou non. Et jusqu’à preuve du contraire, faut-il le souligner, ces pays ne sont pas des dictatures ; ainsi l’argument qui consisterait à lier 1) « militaire doté de pouvoir judiciaire », et 2) « pouvoir dictatorial ou répressif », ne tient pas.

Il faut ajouter, par ailleurs, que les BriMob (Brigades Mobiles) - unités spéciales relevant de la Police Nationale - ne tiennent pas actuellement ce rôle de Gendarmerie, compte-tenu d’une part de leurs maigres prérogatives en matière judiciaire et de leurs effectifs réduits, et d’autre part du fait que ce sont des unités « projetées » et non stationnées sur l’ensemble du territoire national.

L’Indonésie n’est pas un pays comme les autres : c’est un géant. Un géant physique, démographique et géopolitique (l'Indonésie pourrait très bien dans un futur proche apporter son initiale "I" à l'acronyme BRIC, désignant les pays porteurs du XXIème siècle, Brésil, Russie, Inde et Chine). Afin de maintenir son rang de géant d'Asie du Sud-Est, l’Indonésie se doit donc de penser en profondeur son identité et son corolaire, son intégrité ; et une intégrité cela se maintient non seulement vis-à-vis de l’extérieur mais par rapport aux éventuelles menaces intérieures. Il faut bien noter que le concept de « sécurité intérieure » n’est pas en lui-même synonyme de dictature ; c’est un axe de travail pour tout Etat qui se respecte lui-même et qui veille au bien être de ses citoyens. Est-il besoin de rappeler les différents attentats terroristes qui ont eu lieu sur le territoire indonésien pour prouver que ces menaces existent ? Sans oublier qu’il y en a d’autres, mais cela n’est pas notre propos ici.

La sécurité a un prix. Ainsi, (1) soit l’on augmente de manière très importante les effectifs de police (avec le matériel nécessaire) pour qu’elle soit présente de manière significative et satisfaisante sur tout le territoire indonésien, (2) soit l’on maintien la structure militaire territoriale telle qu’elle existe aujourd’hui (quitte à lui assigner des rôles plus stricts, plus cadrés et sur lesquels ces unités devront répondre devant la représentation nationale), (3) soit enfin, l’on créé une Gendarmerie Nationale Indonésienne avec les prérogatives inhérentes à ce genre d’unité : une unité militaire, relevant du Ministère de la Défense ou de l’Intérieur (ou des deux) mais ayant des pouvoirs judiciaires réels et bien précis (tels ceux de la PolRI), et opérant là où la police n’est pas ou peu présente, c’est-à-dire essentiellement dans les zones rurales.

Ce choix a faire est du ressort de l'exécutif après consultation auprès des représentants du peuple. Une décision doit donc être prise en ce domaine - et le plus tôt serait le mieux - afin, non seulement de faire taire ces "réformateurs extrêmistes", mais surtout de doter l'Indonésie d'une réelle et sérieuse capacité de résilience, dirons-nous (pour utiliser un terme en vogue).

Avant de « jeter le bébé avec l’eau du bain », nos « réformateurs professionnels » doivent penser à deux fois avant de demander ou d’exiger la fin pure et simple de la structure militaire territoriale. Réformer ne veut pas dire supprimer ; demander la fin de cette structure ne suffit pas : il faut proposer autre chose de tangible et de cohérent en remplacement, ceci pour poursuivre la fonction de sécurité intérieure du pays. Il en va de l’unité et de l’intégrité du territoire indonésien. Dirgahayu TNI ! [1]

[1] « Vive la TNI ! ». Cette institution a fêté récemment son anniversaire (64 ans), comme tous les 5 octobre.

2 commentaires:

  1. Dans le petit patchwork des insignes des Unités, manque l'insigne du 1er Bataillon Parachutiste de Choc, partie prenante de la 11ème DBPC (Demie-Brigade Parachutiste de Choc)à la suite du 12ème Choc à Calvi.

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  2. Vous avez raison, mais il se trouve que je ne l'ai pas dans ma petite collection perso.

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