20 novembre 2009

Le Colonel Sassi à l'honneur.

Le jeudi 3 décembre 2009 aura lieu le baptême de promotion du 4ème Bataillon de l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.



Ce bataillon portera le nom de « Colonel Jean Sassi ».

Le grand soldat qu'il fut est ainsi honoré par cette prestigieuse école formant nos officiers; il ne méritit pas moins.
Le Colonel Sassi accompagnera ainsi ces futurs officiers de l'armée française, leur insufflant ces valeurs de toujours : Honneur, Fidélité, Nation et Discipline.


Nous relaterons ultérieurement sur ce blog cette manifestation.

Indonésie-Thaïlande : la croisée des chemins.

Dans la culture javanaise traditionnelle, la « quantité » de pouvoir est toujours constante ; lorsque l’un s’accroit, d’autre(s) s’amenuise(nt) nécessairement, comme dans le principe des vases communiquant (1).

Si l’on appliquait aujourd’hui cette approche à la situation de deux pays d’Asie du Sud-Est, la Thaïlande et l’Indonésie, l’on constaterait effectivement que si l’un est en phase critique et instable (en phase descendante), l’autre au contraire est nourrit de signes positifs, favorables (en phase ascendante).

Depuis environ cinq ans, tant sur le plan économique, politique qu’institutionnel, la Thaïlande et l’Indonésie sont sur des chemins divergents. Cette situation symétrique semble même échapper aux décideurs respectifs de ces deux pays et la tendance apparaît lors comme totalement inéluctable. C’est le fatum des Nations, comme ce fut le cas en Europe dans les siècles passés, avec le déclin du Portugal et la montée de l’Espagne, puis le déclin de cette dernière au profit des Provinces Unies, puis la montée en puissance de l’Angleterre, de la France, etc.

« Au Royaume de Siam »

Ce n’est pas moins de quatre crises qui frappent la Thaïlande aujourd’hui. Nous constatons en effet une crise économique tout d’abord, une crise politique ensuite, une crise insurrectionnelle également et enfin une crise institutionnelle. Le Royaume est dans une période instable mais peu d’observateurs le soulignent.

Dès les derniers moments de la période Thaksin Shinawatra, vers 2004, la Thaïlande connaît un déclin en terme économique, les investisseurs délaissant ce pays qui n’est plus le « petit dragon » des années 80/90. Les scandales politico-financiers touchant la famille de Thaksin n’ayant pas arrangé la situation, bien au contraire. Et bientôt, suite à la situation économique et politique chaotique - lors du deuxième mandat de Thaksin - l’armée prenait le pouvoir (septembre 2006) par un coup d’état « blanc » avec la bienveillance et l’accord du Roi, tant le pays s’enfonçait dans des dérives affairistes et autocratiques.

Un an plus tard, les militaires remettaient le pouvoir au verdict des urnes, tout en fermant l’accès aux partisans de Thaksin (2). Aujourd’hui, après une période transitoire civile, le calme n’est pas vraiment revenu dans le Royaume. Bien qu’il y ait de nouveau un Premier Ministre élu, en la personne de d’Abhisit Vejjajiva, Thaksin Shinawatra et ses partisans ont toujours le désir de revenir aux affaires, et de multiples manifestations ont lieu, essentiellement à Bangkok, semant le désordre dans ce pays qui a adopté une nouvelle Constitution.

Aujourd’hui, la situation politique thaïlandaise est encore dans une situation trouble, voire conflictuelle entre les « rouges » (partisans de Thaksin) et les « jaunes » (opposants à Thaksin et fervents royalistes), sans compter le rôle joué par l’armée royale.


Par ailleurs, une longue et meurtrière situation insurrectionnelle, mettant en scène des mouvements islamistes, gangrène le pays. Pas un jour ne se passe en effet sans que des attaques, des assassinats, des sabotages n’aient lieu dans les provinces de Songkla, Narathiwat, Pattani, Satun et Yala - à majorité musulmanes - jouxtant la Malaisie. Depuis 2004, l’on a recensé près de 4 000 morts tant bouddhistes que musulmans et différentes stratégies ont été testées par les gouvernements successifs sans qu’aucune jusqu’à lors n’ait effectivement fonctionné. Si la Malaisie ne soutient pas ces mouvements islamistes et si elle s’est proposé pour servir de médiateur, Bangkok cependant refuse, ne voulant à aucun prix internationaliser le conflit du Sud en faisant intervenir un tiers dans ce qu’elle considère comme une affaire intérieure. Les années passent donc et rien ne semble aller pour le mieux dans ces cinq provinces du Sud thaïlandais, au point où l’on se demande quand et comment ce conflit pourrait bien s’arrêter.

Quant à la situation institutionnelle, elle n’est pas brillante avec les soucis que cause la question de la succession royale, tant la santé du Roi Bhumipol Adulyadej est de plus en préoccupante et compte-tenu que son fils, le Prince héritier Vajhiralongkorn, ne semble pas être le meilleur candidat désigné pour le trône.

Loin d’avoir le charisme, la popularité et l’ascendant de son père, le Prince héritier n’a pas de surcroit l’aval total de l’armée ni du Conseil Privé du Roi. Ce qui fait qu’après la régence – tenue par le Conseil – il se pourrait que la monarchie vacille, tant il semble qu’un mouvement remette en cause le principe de la Monarchie telle qu’elle existe actuellement, c'est-à-dire une monarchie constitutionnelle. Vraisemblablement, une grave crise institutionnelle se prépare dans ce pays, noircissant davantage la situation générale, déjà pas très brillante.

« Hidup Indonesia »

De son côté, de manière mystérieusement symétrique, l’Indonésie connaît une phase ascendante et florissante. L’année 2009 semble particulièrement être l’année de toutes les promesses pour cet immense archipel, quand bien même des signes précurseurs étaient apparus dès 2004, avec l’arrivée au pouvoir suite aux premières élections au suffrage universel direct (3) du Président Susilo Bambang Yudhoyono (SBY).

Economiquement, contrairement à nombre de pays, l’Indonésie n’a pas subit les affres de la crise mondiale de 2008 et certains indices économiques (4) sont pour la plupart encourageant et positifs. Les clignotants économiques indonésiens sont au vert et des investisseurs - anglo-saxons mais aussi japonais, coréens du Sud et chinois - l’ont déjà compris, lesquels se reportent sur ce pays.
Politiquement, la situation est également au beau fixe en Indonésie, depuis la réélection de SBY et de la mise en place de son second gouvernement en octobre 2009. Réélu à 60% dès le premier tour, le Président bénéficie d’une légitimité populaire et d’une stabilité parlementaire forte, situation nouvelle depuis la fin du régime Suharto en 1998. Ces élections générales de 2009 (législatives et présidentielles) ont braqué les projecteurs sur cette troisième démocratie du monde (après les Etats-Unis et l’Inde) et ont rehaussé sa stature internationale de ce pays comptant 230 millions d’habitants.

Avec la nomination du nouveau Vice-Président, Boediono - qui est un professionnel (5) et non un politique - c’est un autre signe positif qui fut envoyé, notamment à l’extérieur du pays. Par ailleurs, la composition du gouvernement - en dehors de quelques inéluctables nominations de compromis - révèle là aussi des points positifs. On soulignera par exemple, les ministères des finances et du commerce qui ont conservés leurs chefs (Mesdames Mari Elka Pangestu et Sri Mulyani Indrawati) et les affaires étrangères, qui ont vu arriver un brillant ministre en la personne de Marty Natalegawa (ancien ambassadeur à Londres et représentant de l’Indonésie au Nations Unies).

L’Asie du Sud-Est : là où il faut être

Dans le jeu des vases communiquant, force est de constater que l’Indonésie tient aujourd’hui une position flatteuse, pleine de promesses. Devant la montée de la Chine, le flanc Sud de l’Asie du Sud-Est se révèle de plus en plus stratégique et ceci d’autant plus que l’Indonésie - Etat archipélagique - est à la croisée de nombreux chemins et flux maritimes, culturels et commerciaux (Est-Ouest et Nord-Sud). Il serait bien dommage que les investisseurs et autres hommes d’affaires français loupent ce coche et laissent le terrain à leurs concurrents britanniques, américains, australiens et allemands, pour ne citer qu’eux.

La France (tant le privé que l’Etat) aurait tout à gagner à se lancer dans cette région, d’autant plus qu’elle possède certains atouts non négligeables (6) : un bon capital sympathie et des aprioris positifs de la part des indonésiens en général, sans oublier aussi la présence dans le nouveau gouvernement d’un ministre ayant fait ses études (7) en France. Néanmoins ces atouts s’avéreraient fructueux si seulement nos entrepreneurs français (8) et si nos officiels du gouvernement avaient le sens de l’opportunité.

Notes :

(1) Benedict R. O'G. Anderson dans son ouvrage Language and Power; Exploring political cultures in Indonesia (Chap. 1 The idea of Power in Javanese Culture; pp22-23.) aborde ce trait javanais. De manière synthétique, retenons que : 1) Le pouvoir relève du concret; 2) le pouvoir est homogène; 3) La quantité de pouvoir dans l’univers est constant; 4) La pouvoir ne soulève pas la question de la légitimité.
(2) ce dernier évincé et toujours en exil aujourd’hui.
(3) Les dernières remontant aux années 50.
(4) Taux de croissance, exportations, etc.
(5) Economiste, ancien gouverneur de la Banque d’Indonésie, ancien ministre des finances et ministre coordinateur de l’économie, il est reconnu internationalement.
(6) Des atouts culturels, politiques et sur le plan technique/organisationnel, etc.
(7) A l’Université Sciences et Techniques de Montpellier.
(8) Un atout saisi déjà par Danone, Carrefour et Total, pour ne citer que ces entreprises.