30 septembre 2010

Le Q ! d’Orsay

Si, comme le disait le Cardinal de Richelieu, la politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire, la diplomatie doit être un de ses outils les plus précieux en matière de relations internationales et ce dans le seul souci du « succès des armes » du pays.

La diplomatie est, dit-on, affaire de tact, d’intelligence, d’expérience, de compétence, de connaissances, bref, c’est un savoir-faire, un métier, voire une vocation. C’est une activité où le long terme prévaut, où l’on cherche à comprendre avant d’agir, où l’on envisage l’univers des possibles dans l’appréhension des problèmes, des questions qui se posent, ceci afin de répondre aux situations au plus juste dans le cadre de notre stratégie globale de politique étrangère (quand elle existe).

L’action diplomatique ne se réduit pas bien sûr au domaine du politique ou de l’économique mais touche aussi au culturel, le rayonnement d’un pays à l’étranger passant indubitablement par ce biais métapolitique.

Un récent ouvrage (1) est venu nous apporter une image de la réalité, et il fut donné comme une claque cinglante aux fonctionnaires du Quai d’Orsay ; une critique salutaire (et tellement jouissive) tant le comportement et les agissements de nos diplomates ont atteint, semble-t-il, un point de non retour.

Une claque salutaire…
(source : http://marccapelle.files.wordpress.com/2010/05/les-diplomates-couverture.jpg )

A Jakarta (Indonésie), l’activité culturelle officielle française est semblable à ce qu’elle est partout ailleurs dans le monde au sein de nos différentes représentations diplomatiques, et aussi à l’image de ce qu’est devenu aujourd’hui notre pays, c'est-à-dire pas grand’chose ou pire, un cloaque.

Fin septembre / début octobre 2010, se déroule au Centre Culturel Français (CCF) de Jakarta (2), sous le patronage de l’Ambassade de France, un festival singulier : le « Q ! Film Festival » (3). De quoi s’agit-il ? Par delà l’intitulé de cette manifestation où la langue française est encore une fois bafouée (une banalité aujourd’hui…), reste le fond : le « Q ! Film Festival ». C’est un festival où seront projetés environ 80 films, provenant du monde entier et portant sur le thème « les homosexuels et les droits humains » (fiction et documentaire, longs en courts métrages). Ce festival se produira, en plus de Jakarta, dans cinq autres villes d'Indonésie : Yogyakarta, Surabaya, Malang, Makassar et Bali.

Le site internet du CCF de Jakarta, nous informe : « (…) le festival proposera notamment une manifestation littéraire (lancements de livres et discussions avec les auteurs) et une performance scénique adapté du programme radio « Rush Hour ». En collaboration avec le CCF, l’artiste d’origine colombienne Carlos Franklin installé en France depuis de nombreuses années exposera également ses photographies, des portraits traitant de sujets tels que l'hybridation culturelle, le déplacement, le voyage et le langage ». Tout un programme ; des plus alléchants, c’est certain.

A droite, le "sémillant" John Badalu, directeur du "Festival Q!" sponsorisé par le Quai d’Orsay.
(Source : http://lh4.ggpht.com/_jGDe02Li5Rk/SZYLCktzEQI/AAAAAAAAAw0/KSwe7FUg5sU/B09,boo,tonyR,john-.jpg) 

Ce n’est pas la première fois que ce festival se déroule à Jakarta. En effet, celui de cette année est la 9ème édition ! (4) Son directeur, un indonésien makassarais de 37 ans, John Badalu, est une figure du monde interlope de la capitale indonésienne. Les organisateurs du festival avouent ne pas promouvoir cet événement dans la presse locale. Trop conservatrice. Ils ne veulent pas non plus attirer l’attention des mouvements islamistes. Pour éviter un quelconque problème, John Badalu a trouvé une technique infaillible : il fait parrainer son festival par des centres culturels étrangers (essentiellement européens). « Comme les financements proviennent d’organisations étrangères et les films sont projetés dans des centres internationaux, dit-il, les radicaux n’oseront pas nous attaquer » (5). Bien sûr, c’est tellement plus simple de faire porter la responsabilité sur des vitrines européennes, occidentales… Vitrines totalement complices néanmoins.

Ce qu’il faut savoir, c’est que nous sommes en Indonésie, dans le plus grand pays musulman du monde et que ce genre de sujet et de manifestation est plutôt mal perçu par la majorité de la population. On ne saurait les en blâmer, tout au contraire ! Mais non, cela n’arrête pas nos représentants diplomates français.

Par ailleurs, il se développe depuis quelques années en Indonésie un courant conservateur, voire radical, à l’image de ce qui se passe dans les autres pays musulmans concomitamment à la mondialisation. Ainsi, de nombreux groupuscules islamistes activistes fondamentalistes et même terroristes, accroissent leur audience, utilisant la faiblesse des démocraties, surfant sur l’actualité internationale tant elle leur donne souvent de quoi justifier leurs positions (Irak, Afghanistan, Israël/Palestine, etc.).


Enfin, on a pu constater une réaffirmation de l’Islam dans le discours officiel indonésien avec des propos et des inflexions sur la moralité, sur les valeurs, etc. Un retour au vertueux que nos diplomates français n’ont pas manqué bien entendu de souligner - dans leurs bulletins quotidiens en direction du Quai - tant ils effectuent, c'est certain, un travail sans failles...

Le Quai d’Orsay
(source : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/60/Quai_d%27Orsay.jpg )

Dans ce contexte, l’on peut légitimement se demander si nos diplomates - tant à la Centrale de Paris que ceux en poste - pensent un tant soit peu leurs actions lorsqu’ils décident de mettre en œuvre un tel festival « gay et lesbien ».

L’on peut se demander s’il relève vraiment de nos représentations diplomatiques (le CCF dépend de l’Ambassade) de promouvoir les sexualités marginales et déviantes quand bien même ce « Q ! Film Festival » est relayé par le Goethe Institut (Allemagne), la maison d’Erasme (Hollande) et le Japan Foundation Center. Deuxièmement, on peut également se poser la question de savoir si l’argent des contribuables français doit financer ce genre d’activités « culturelles ». Enfin, est-il judicieux dans le contexte actuel des relations internationales et particulièrement dans la situation que connait l’Indonésie aujourd’hui, de se lancer dans de telles initiatives ?

Déjà, un mouvement islamiste radical, en l’occurrence le Front Pembela Islam (FPI, le Front des Défenseurs de l'Islam), à conduit diverses des manifestations dans la capitale, devant les divers endroits où se déroule ce festival, demandant que soit stoppé au plus tôt le « festival de Q ! ». De plus, le FPI est suivi par des associations d’étudiants, telle Salam de l’Université d’Indonésie (UI Jakarta), une association aux idées également radicales islamistes. Et il est fort à parier que cette contestation va se développer, que d‘autres mouvements, tel le Hizb ut Tahrir Indonesia (HTI,  un mouvement transnational islamiste radical), vont se joindre au cortège, sans oublier le Partai Keadilan Sejaterah (PKS, le Parti de la Justice et de la Prospérité), un parti politique membre de la coalition gouvernementale actuelle, lequel va sûrement réagir.

Le festival de Q!
(source: http://www.ccfjakarta.or.id/culture/cinema/qfest/ )

Sans pour autant se soumettre aux exigences des ces groupes d’islamistes fanatiques, la France doit-elle néanmoins proposer à l’étranger de telles « productions culturelles » même si le directeur dudit « Q ! Film Festival » est un indonésien ? Est-ce ainsi que l’on fait vraiment entendre « la voix de la France » ? que l’on participe au rapprochement des peuples ? On peut en douter. Et que penser des conséquences de ce genre d’acte ?

Ce qu’il faut souligner en dernier point au sujet de ce « festival de Q ! », de cette manifestation lamentable, de cette avanie patentée, c’est l’irresponsabilité totale de nos diplomates (6), leur manifeste incurie intellectuelle et stratégique, le mépris de leur fonction et des intérêts qu’ils sont sensés défendre. C’est à se demander s’ils connaissent un tant soit peu le pays dans lequel ils sont postés, s’ils pensent aux conséquences (politiques et économiques) de leur acte à long terme, s’ils estiment en cela participer à la protection des intérêts français à l’étranger, au « rayonnement de la France ». En agissant de la sorte, à Jakarta, ces « diplomates » ne donnent en fait que du grain à moudre aux extrémistes islamistes, lesquels n’attendent que ce genre d’incident pour avancer encore un peu plus leurs pions et développer leur notoriété.

Le Quai d’Orsay n’est vraiment plus ce qu’il était, s’enfermant dans le délire idéologique, la veulerie politique, la pitrerie délétère, la gabegie généralisée. Misère.

Comme le constatait Léon Bloy, "De plus en plus, il semble se dégager de la société contemporaine une haleine de prohibition absolue contre les réfractaires à l'universelle ignominie. Les voyous, devenus nos maîtres, ont édictés la salauderie nationale et obligatoire dont le premier et unique article est de conspuer tout ce qui fit la grandeur morale et l'espérance des hommes" (7).

Eminents diplomates…
« L’annonciation » (1485) peinture sur bois d’Antoniazzo Romano (c. 1430-1508/12),
au Santa Maria sopra Minerva, de Rome. (source : http://www.wga.hu/art/a/antoniaz/annunci.jpg )

Notes :

(1) Les Diplomates, derrière la façade des ambassades de France de Franck Renaud, cf. http://www.amazon.fr/diplomates-Derri%C3%A8re-fa%C3%A7ade-ambassades-France/dp/2847365184 .
(2) l'un des plus grands centres culturels français au monde.
(3) « distingué par un Teddy Award au Festival du Film de Berlin », apprend-t-on sur le site du CCF Jakarta.
(4) Le festival Q! est le plus important événement homosexuel de toute l’Asie.
(5) Cf. http://www.l-indonesie.fr/neuvieme-edition-du-festival-q-en-indonesie#more-84
(6) tant ceux de Paris (qui ont avalisé la chose) que ceux qui se trouve à Jakarta (les maîtres d’œuvre). Seule question en suspens néanmoins et à décharge de certains : ceux en poste comme nos Ambassadeurs ont-ils au moins la marge de manœuvre nécessaire face à des injonctions de Paris ? Ce n'est pas certain du tout.
(7) Belluaires et Porchers, Introduction p.xxii. Stock, 1923.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire