22 octobre 2009

Marty Natalegawa, le nouveau visage de la diplomatie indonesienne

Le Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono (SBY), élu à une grande majorité (plus de 60%) lors des dernières élections générales dans ce grand pays d'Asie du Sud-Est, vient de nommer son gouvernement. Ce mandat fixé à 5 ans par la Constitution, s'achèvera en 2014.

Parmi les personnalités présentes dans ce second cabinet "Indonésie Unie", figure Marty Natalegawa. Sans préjuger ici des actions futures menées par l'Indonésie en matière de politique étrangère, on peut souligner déjà par la mise en place de ce nouveau chef du DEPLU : 1) de la continuité et de la stabilité de la République Indonésienne; 2) de l'arrivée aux postes ministériels d'une nouvelle génération instruite aux meilleures universités; 3) des signes prometteurs et positifs pour ce pays archipélagique.
Notons que ce nouveau visage de la diplomatie indonésienne a pris forme en 1999 (au départ de Suharto) avec la nomination d'Alwi Shihab au poste de Ministre des Affaires Etrangères, lequel à complètement restructuré et modernisé ce ministère. Son successeur, Hassan Wirayuda, a pour sa part, poursuivi dans cette voie et cet esprit nouveau.

Restent les fondamentaux de la politique étrangères indonésiennes : "Bebas dan aktif", c'est-à-dire, "Libre et active". On peut tout à fait penser que cette orientation se maintiendra avec cette nomination et même qu'elle se renforcera, hissant la République Indonésienne au rang qu'elle mérite au sein des nations, tant l'Indonésie est un pont et un carrefour entre les continents, les civilisations, les peuples.

Arrêtons-nous un peu sur ce jeune et brillant ministre qui semblait désigné depuis au moins deux ans à ce poste et qui est totalement dans la lignée de ses prédécesseurs quant au rôle plus important que devrait jouer l'Indonésie au plan international.
 Photo : Marty Natalegawa et son épouse Sranya, au KBRI de Londres. (Source : KBRI London)

Né à Bandung le 22 mars 1963, Raden Mohammad Marty Muliana Natalegawa est le nouveau Ministre des affaires étrangères de la République d’Indonésie (DEPLU-RI).

Avant sa nomination en date du 21 octobre 2009, Marty Natalegawa fut le Représentant permanent de l’Indonésie auprès des Nations Unies ; il avait présenté le 11 septembre 2007 ses lettres de créance au Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.

Natalegawa a commencé sa carrière en 1986 au Département des affaires étrangères de l’Indonésie (DEPLU) ; il était, depuis 2005, Ambassadeur de l’Indonésie auprès du Royaume-Uni. De 2002 à 2005, il était Chef de cabinet du Ministre des affaires étrangères de l’Indonésie et Directeur général pour la coopération avec l’ASEAN au sein de ce même département ministériel. Marty Natalegawa a aussi occupé le poste de Directeur pour les organisations internationales au DEPLU au début de la décennie écoulée. De 1994 à 1999, il était en poste à la Mission permanente de l’Indonésie auprès des Nations Unies à New York.

Natalegawa a un doctorat en philosophie de l’Université nationale australienne (ANU) en 1993. Il est également diplômé de la London School of Economics and Political science et de Corpus Christi College. Marty est le plus jeune fils de Sonson Natalegawa, ancien directeur de la banque d’Etat Bumi Daya. Il est marié à une femme d’origine thaïlandaise (Sranya) et père de trois enfants (Annisa, Anantha, and Andreyka). 

9 octobre 2009

Enquête sur un Zippo inconnu

J’avais depuis longtemps par devers moi un briquet de marque Zippo trouvé en Asie du Sud-Est.

Sur ce briquet, des marquages (un slogan, un insigne, une date, un lieu, un nom) mais surtout des incertitudes et des inconnues. Incertitudes sur le fait de savoir si ce briquet était un authentique Zippo des années 60 ; inconnues dans le fait de voir un insigne de l’armée que je ne connaissais pas du tout.

Après quelques recherches et de précieuses aides extérieures (1), j’ai finalement eu toutes les réponses que je souhaitais.

Ainsi puis-je présenter maintenant ce Zippo et donner quelques éléments d’explication sur celui-ci.

Le briquet

Sur le Zippo lui-même, il s’avère que c’est bien un Zippo authentique, datant de 1964. L’attestent, les deux points encadrant la marque « Zippo » sur le fond du briquet (un peu à gauche du « Z » et à droite juste au dessus du ®), ainsi que la concordance avec le numéro de modèle (Pattern 2517191).


Le contexte et les gravures

Nous sommes au Vietnam, dans les premières années de la guerre. Suite aux incidents survenus entre le 2 et le 4 août 1964 dans le Golfe du Tonkin (entre destroyers US et vedettes lance-torpilles du Nord Vietnam), c’est l’engagement massif des Américains ordonné par le Président américain d’alors, Lyndon B. Johnson.

Début février 1965, des bases US sont attaquées, dont celles de Pleiku et de Qui Nhon. C’est le début de l’escalade.

Entre 1964-1965 (date figurant sur le Zippo) les soldats US ne sont pas encore du contingent ; la plupart de ceux qui servent là-bas sont encore des conseillers, des formateurs du MAC/V (Military Assistance Command / Vietnam) et/ou des hommes de la CIA.

Parmi ces formateurs et spécialistes, des démineurs. Ils sont brevetés EOD (Explosive Ordnance Disposal), l’équivalent à peu près de notre NEDEX français (Neutralisation et Destruction d’Explosif). L’insigne présent sur le Zippo est celui du deuxième degré EOD (Senior EOD), que devait avoir le propriétaire du briquet. Ces spécialistes étaient regroupés en équipes EOD opérant aussi bien sur terre que dans l’eau, neutralisant tant des bombes non explosées, que des explosifs improvisés (IED). Ces techniciens appartenaient soit à l’armée de terre, à l’armé de l’air, à la Marine ou encore au corps des Marines.

Une EOD Team au Vietnam au milieu des années 60.
Qui Nhon (nom de lieu figurant sur le Zippo) est la capitale de la province de Binh Dinh, en Annam (Vietnam). Elle possède un grand port. Comme dans d’autres endroits du territoire du Sud Vietnam, les soldats US étaient stationnés dans de grandes bases. Dans cette ville un grand nombre d’explosifs y furent « traités » entre 1964 et 1967 par les services spécialisés. Dans cette base de Qui Nhon - où il allait y avoir bientôt aérodrome, hôpital, casernements, dépôts, etc. - furent basée un temps différents unités EOD (US Army, USN, USAF, USMC). Il y a donc congruence entre le lieu et l’unité.

Le slogan présent sur une des faces du Zippo est assez caractéristique de ceux utilisés par les unités allant au contact, qui risquaient souvent leur vie en opération, tels les parachutistes ou les démineurs. Le « Live it up ! » est typique de ces unités d’élite.

Reste encore une question en suspend, le nom « Ho Huu Dix » qui apparaît derrière l’insigne EOD. C’est sûrement la première gravure qui ait figurée sur le briquet. Il se pourrait peut-être qu'il s’agisse du nom de celui qui a réalisé la gravure. Néanmoins, compte-tenu de l’endroit où ce nom se trouve gravé, cela est peu probable. Alors, il y a une autre explication. Une hypothèse pourrait être avancée : le premier propriétaire de ce briquet aurait été ce « Ho Huu Dix », lequel fut - compte-tenu du patronyme - en toute vraisemblance, un soldat de l’armée du Sud-Vietnam ; par la suite, le Zippo changea de main et c’est à cette occasion que les autres gravures y furent apposées.

Conclusion

« Montrez-moi un briquet, je vous trouverai une histoire… » .
C’est un peu ce qui est arrivé. Et il est toujours plaisant de faire ce cheminement de la petite histoire à la grande, d’effectuer ce « retour-amont » comme dirait un René Char. Les choses se disent, prennent sens et finalement éclairent.

Il en va des briquets comme de ces tableaux chinois sur lesquels figurent les marques des différents propriétaires; l'on peut ainsi voir et retracer l'histoire du tableau depuis son premier acquisiteur.

(1) Je tiens personnellement à remercier ici chaleureusement : John Conway, Mark Bacon, Linda Meabon, Don Lenny et Robert Munoz. If you read this page, be sure that I’m deeply grateful for your help !

6 octobre 2009

Anniversaire et réforme des armées indonésiennes


Avec le départ de Suharto et l’avènement de la Reformasi, les forces de défense nationale (TNI, Tentara Nasional Indonesia) - comme d’autres institutions d’ailleurs – se sont engagées dans la voie des réformes. Ces réformes ont été lentes, laborieuses, mais le fait est qu’un certain nombre d’entre elles ont été effectuées, même s’il en reste encore d’autres à mettre en œuvre.

Parmi ces réformes, une semble particulièrement cruciale aux yeux des activistes les plus en pointe : celle de la fin de la structure militaire territoriale. Selon les personnes qui souhaitent que disparaisse au plus vite la fameuse structure militaire territoriale, l’argument avancé est que celle-ci est un héritage de l’Orde baru (Ordre Nouveau) et qu’elle aurait été utilisée par le passé comme un moyen d’oppression dans le but de réduire au silence toute forme de critique contre le gouvernement ainsi que la liberté d’expression.

A ces personnes, il faudrait rappeler que tout de même, depuis 1998, l’Indonésie est devenue la troisième démocratie du monde après les Etats-Unis et l’Inde, d’autant plus avec les élections au suffrage universel direct de 2004 et de 2009. Ainsi, un des « arguments » de ces zélotes ne tient-il plus du tout, car autant que l’on sache, Abdurahman Wahid "Gus Dur", Megawati Sukarnoputri et Susilo Bambang Yudhoyono ne sont pas des dictateurs, ne sont pas des Suharto-bis, ter ou quater : ils sont l’expression de la réelle volonté populaire, laquelle les a porté à diriger l’Indonésie. Ces « réformateurs échevelés » qui veulent tout mettre à bas et très rapidement, iraient-ils jusqu’à soutenir que ces Présidents élus depuis 1998 ont utilisé la structure militaire territoriale pour affermir leur pouvoir, éliminer leurs adversaire et museler le peuple ?

Mais de quoi s’agit-il exactement ? La TNI possède depuis sa création en tant qu’armée révolutionnaire et populaire (non marxiste, faut-il le souligner, tant cela est un cas d’exception dans le monde) en plus d’éléments organiques éparpillés sur le territoire (et essentiellement à Java) des éléments qui « doublent » la structure administrative et qui fait qu’au total, du village à la province, du district à la région, des militaires sont présents, intégrés au sein d’unités territoriales (ce sont les Koramil, Korem, Kodam, Kodim, etc.).

Plusieurs éléments semblent défendre le maintien de cette structure militaire territoriale. Premièrement l’histoire et la culture de l’armée indonésienne. Armée révolutionnaire et populaire, la TNI dès sa création a opté pour cette structure souple et réactive, lui permettant - avec peu d’effectif - de défendre et de mener des actions contre le colonisateur hollandais mais aussi contre les japonais dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale (on l’oubli souvent). Avec peu d’hommes, le Général Sudirman a pu ainsi maintenir le flambeau de la souveraineté proclamée par Soekarno et Md. Hatta, le 17 août 1945. Personne ne peut contester que sans la TNI l’Indonésie n’aurait pas eu son indépendance aussi rapidement. Est-il besoin de rappeler que lorsque les dirigeants politiques indonésiens ont été emprisonnés, seule la TNI était là pour poursuivre le combat et brandir l’étendard de l’indépendance. Ceci appartient maintenant à l’Histoire.

Aujourd’hui, la situation est différente, l’Indonésie n’est plus en guerre, elle ne lutte plus pour faire reconnaître son indépendance aux yeux des nations du globe. L’Indonésie est indépendante, certes, mais il n’en demeure pas moins que si l’on faisait un ratio du nombre de soldats par habitants dans tous les pays d’Asie du Sud-Est et même d’ailleurs, on s’apercevrait bien vite que l’Indonésie a un des taux existant le plus bas. Par ailleurs, compte-tenu du fait que la PolRI (la Police nationale indonésienne) n’est pas encore en mesure (du fait d’un déficit en effectifs et en matériels mais aussi en matière de compétence territoriale) d’assurer la sécurité intérieure, la TNI a encore un rôle à jouer avec sa structure militaire territoriale. Enfin, je pense que les civils indonésiens apprécient grandement de voir ces soldats relevant de cette structure militaire territoriale lorsqu’ils viennent les aider dans la construction de routes, d’hôpitaux, de bâtiments d’intérêt public, etc., ou encore lorsque ces mêmes soldats apportent leur concours en bras et en matériels lors de catastrophe naturelles (et Dieu sait que l’Indonésie est durement touchée ces derniers temps).

Un élément pourrait peut-être satisfaire et réconcilier non seulement les « activistes » de la réforme mais aussi les militaires indonésiens : la création d’une Gendarmerie Nationale : une force militaire dotée de pouvoirs judiciaires, maillant le territoire national, comme cela est le cas en France, en Hollande, en Italie, en Espagne et dans bien d’autres pays démocratiques, européens ou non. Et jusqu’à preuve du contraire, faut-il le souligner, ces pays ne sont pas des dictatures ; ainsi l’argument qui consisterait à lier 1) « militaire doté de pouvoir judiciaire », et 2) « pouvoir dictatorial ou répressif », ne tient pas.

Il faut ajouter, par ailleurs, que les BriMob (Brigades Mobiles) - unités spéciales relevant de la Police Nationale - ne tiennent pas actuellement ce rôle de Gendarmerie, compte-tenu d’une part de leurs maigres prérogatives en matière judiciaire et de leurs effectifs réduits, et d’autre part du fait que ce sont des unités « projetées » et non stationnées sur l’ensemble du territoire national.

L’Indonésie n’est pas un pays comme les autres : c’est un géant. Un géant physique, démographique et géopolitique (l'Indonésie pourrait très bien dans un futur proche apporter son initiale "I" à l'acronyme BRIC, désignant les pays porteurs du XXIème siècle, Brésil, Russie, Inde et Chine). Afin de maintenir son rang de géant d'Asie du Sud-Est, l’Indonésie se doit donc de penser en profondeur son identité et son corolaire, son intégrité ; et une intégrité cela se maintient non seulement vis-à-vis de l’extérieur mais par rapport aux éventuelles menaces intérieures. Il faut bien noter que le concept de « sécurité intérieure » n’est pas en lui-même synonyme de dictature ; c’est un axe de travail pour tout Etat qui se respecte lui-même et qui veille au bien être de ses citoyens. Est-il besoin de rappeler les différents attentats terroristes qui ont eu lieu sur le territoire indonésien pour prouver que ces menaces existent ? Sans oublier qu’il y en a d’autres, mais cela n’est pas notre propos ici.

La sécurité a un prix. Ainsi, (1) soit l’on augmente de manière très importante les effectifs de police (avec le matériel nécessaire) pour qu’elle soit présente de manière significative et satisfaisante sur tout le territoire indonésien, (2) soit l’on maintien la structure militaire territoriale telle qu’elle existe aujourd’hui (quitte à lui assigner des rôles plus stricts, plus cadrés et sur lesquels ces unités devront répondre devant la représentation nationale), (3) soit enfin, l’on créé une Gendarmerie Nationale Indonésienne avec les prérogatives inhérentes à ce genre d’unité : une unité militaire, relevant du Ministère de la Défense ou de l’Intérieur (ou des deux) mais ayant des pouvoirs judiciaires réels et bien précis (tels ceux de la PolRI), et opérant là où la police n’est pas ou peu présente, c’est-à-dire essentiellement dans les zones rurales.

Ce choix a faire est du ressort de l'exécutif après consultation auprès des représentants du peuple. Une décision doit donc être prise en ce domaine - et le plus tôt serait le mieux - afin, non seulement de faire taire ces "réformateurs extrêmistes", mais surtout de doter l'Indonésie d'une réelle et sérieuse capacité de résilience, dirons-nous (pour utiliser un terme en vogue).

Avant de « jeter le bébé avec l’eau du bain », nos « réformateurs professionnels » doivent penser à deux fois avant de demander ou d’exiger la fin pure et simple de la structure militaire territoriale. Réformer ne veut pas dire supprimer ; demander la fin de cette structure ne suffit pas : il faut proposer autre chose de tangible et de cohérent en remplacement, ceci pour poursuivre la fonction de sécurité intérieure du pays. Il en va de l’unité et de l’intégrité du territoire indonésien. Dirgahayu TNI ! [1]

[1] « Vive la TNI ! ». Cette institution a fêté récemment son anniversaire (64 ans), comme tous les 5 octobre.

2 octobre 2009

La nouvelle assemblée indonésienne

Suite aux élections générales de cette année, une des deux chambres - le DPR - a été pourvue dans les premiers jours d'octobre 2009.