17 septembre 2009

Noordin Mohammad Top enfin mort !

Noordin Top a été tué le 17 septembre 2009 suite à un raid de l’unité spéciale Densus 88[1], non loin de la ville de Solo, au centre de Java, après avoir échappé à un précédent raid le 8 août dernier.

Terroriste le plus recherché de la Jemaah Islamiyah et encore plus activement depuis les derniers attentats du 17 juillet 2009[2], Noordin M. Top a finalement trouvé la mort au grand soulagement de tous. Mais cette victoire de la Police indonésienne mettra-t-elle vraiment fin aux activités terroristes dans la région ?

Chronologie des événements

Le 16 septembre 2009 en fin de matinée, le Densus 88 arrête un suspect - Rahmat Puji Prabowo - à Pasar Gading, dans la ville de Solo.
A 3 heures de l’après-midi, la même unité de la Police indonésienne arrêtait un autre suspect - Supono, alias Kedu. Les deux suspects avouèrent bientôt qui ils étaient et indiquaient qu’ils se cachaient dans une maison située dans le village de Kepuhsari -localité reculée et située dans la montagne - une maison louée par un homme répondant au nom d'Hadi Susilo, alias Adip.
Peu avant minuit, le Densus 88 se rendait sur place et faisait évacuer les habitants des maisons alentours.
A minuit, l’unité spéciale tentait d’enfoncer la porte de la maison mais les occupant répliquèrent par des coups de feu. La Police savait que 7 personnes se trouvaient à l’intérieur, et parmi ceux-ci une femme enceinte – Munawaroh – la femme d’Hadi Susilo. Il fut intimé l’ordre aux assiégés de se rendre mais ils répondirent par des coups de feu.

Le 17 septembre, à cinq heures du matin, suite à des échanges de tirs, une motocyclette située à l’intérieur de la maison cernée prenait feu. Les suspects se réfugièrent alors dans la salle de bain, tandis que la Police enfonçait un des murs pour pénétrer dans la maison.
Les échanges de tirs continuèrent, et ce jusqu’à 8 heures du matin où l’assaut fut finalement donné. Noordin M Top ainsi que Bagus Budi Pranoto, alias Urwah, Hadi Susilo et Aryo Sudarsono, alias Aji, étaient tous les quatre tués.
Les trois autres personnes à l’intérieur de la maison, bien que blessés, survécurent et furent bientôt emmenés à l’hôpital de la Police à Jakarta Est.
A 11 heures quarante-cinq, les corps des quatre tués au cours du raid arrivaient au même hôpital.
Vers quatre heures de l’après-midi, le chef de la Police, Bambang Hendarso Danuri, donnait une conférence de presse au QG de la Police Nationale (PolRI), et livrait le nom des quatre tués, dont celui de Noordin Mohammad Top. On apprenait que l’identité de Noordin M. Top était confirmée par les empreintes digitales données par la Police malaisienne[3]. Néanmoins un test ADN a été demandé.
Au cours du raid, des documents, des armes à feu ainsi que 200 kilos d’explosif furent récupérés par la Police. Nul doute que les indices recueillis serviront à poursuivre la traque du réseau.

Et si l'on peut se réjouir de la fin de ce terroriste islamiste, il faut néanmoins admettre que pris vivant, Noordin Top aurait pu parler - ainsi que ses trois complices d'ailleurs. Les interrogatoires auraient nécessairement conduits au démantelement plus rapidement son réseau.

La personnalité de Noordin M. Top

Impliqué dans les différents attentats survenus en Indonésie ces dernières années (2002, 2004, 2005 et 2007), et notamment celui de Bali qui fit 202 morts, Noordin M. Top, un malaisien qui avait 41 ans, était un des terroristes de la Jemaah islamiyah[4] (JI) les plus recherchés.

A 27 ans, titulaire d’un Master de l’Université de technologie de Malaisie, il a commencé à suivre des cours dans d’un pensionnat coranique diffusant une idéologie radicale. C’est dans cette école qu’il rencontrait des « ainés » en combat et prédication jihadiste de la Jemaah Islamiyah, tel Hambali (arrêté en Thaïlande en 2003 et détenu depuis par les américains sur l’île de Guantanamo) ou encore Abu Bakar Baashir (en liberté). Noordin devint bientôt le directeur de cette école de 350 élèves.

Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les autorités de Malaisie fermaient cette école et Noordin partait pour l’Indonésie. Là, sur Java, il créait, avec un autre de ses camarades, une école similaire à celle qu’il dirigeait en Malaisie. C’est de cette école que furent finalisés les attentats de l’hôtel JW Marriot de Jakarta en 2003 et de l’Ambassade d’Australie l’année suivante.

Noordin était un agent recruteur, spécialiste des explosifs et formateur hors pair[5]. A compter de 2004, Noordin prit ses distances avec la JI à cause de rivalités sur les moyens employés[6].
Deux mois, jour pour jour après les derniers attentats de Jakarta, il est finalement mort lors de l’assaut de la Police sur le réduit qui lui servait de cachette.

La fin ou le ralentissement des activités terroristes dans la région ?

Si le résultat du raid est assurément une victoire pour les autorités indonésiennes, il n’en demeure pas moins qu’avant sa mort, Noordin Top a transmis et formé un nombre inconnu de jihadistes en matière de confection et de pose de bombe. Et si la tête pensante de cette faction terroriste a disparu, les membres et les réseaux sont toujours en place.

Comme le souligne Ken Conboy, spécialiste des menaces islamistes, basé à Jakarta, Noordin Top peut être remplacé par au moins trois de ses anciens adjoints qu'il avait lui même formé. Ces trois personnes sont à même "de recruter de nouveaux partisans ainsi que des candidats au suicide". Le premier est Nur Hasbi, recherché en rapport avec les attentats du 17 juillet dernier. Le second, Reno (alias Tedi), en cavale depuis 2005. Le troisième, Maruto Jati Sulistiono, en cavale depuis 2006.

Il va donc certes y avoir dans un futur proche un ralentissement dans les activités de la Jemaah Islamiyah et surement même d’autres arrestations par la Police indonésienne ; cependant la menace terroriste islamiste va encore perdurer dans l’archipel indo-malais.

L'arc de crise stratégique français touchant au terrorisme islamiste commence au Maroc et s'arrête curieusement au Bengladesh. On peut légitimement se demander pourquoi. Des restrictions budgétaires doivent-elles conduire à faire l'impasse sur ce qui se passe au-delà de Dacca ? Il faut espérer que les derniers attentats survenus dans l'archipel indonésien, les activités terroristes continuelles dans le Sud Thaïlandais ou dans le Sud des Philippines, ou encore les menaces grandissantes sur le développement de l’Islam fondamentaliste au Cambodge, la radicalisation de l’Islam Malaisien, etc., vont peut-être faire entendre raison aux autorités françaises, et leur faire prendre conscience que le danger jihadiste est une réalité en Asie du Sud-Est (Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Malaisie, Singapour, Philippines et Indonésie).

Dans cette région du monde, l'idéologie islamiste demeure inchangée et tenace; les réseaux terroristes, les hommes ainsi que les moyens existent toujours; le danger reste donc certain.

Notes:

[1] « Densus » vouant dire détachement spécial et le chiffre 88 faisant référence aux 88 victimes australiennes tuées lors de l’attentat de Bali en 2002. Les australiens participèrent grandement au financement, à la création et à l’entrainement de cette unité d’élite de la Police indonésienne peu après l’attentat de Bali.
[2] Attentats qui ont eu lieu au JW Marriot ainsi qu’au Ritz Carlton de Jakarta.
[3] Il fallut attendre quelques heures avant de confirmer son identité car lors de l’assaut, une explosion le décapita et son corps fut rendu peu reconnaissable.
[4] Mouvement islamiste radical de type jihadiste, désirant l’instauration d’un Califat regroupant la plupart des pays d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Malaisie, Cambodge, Philippines, Indonésie, Brunei, Australie).
[5] Selon les dires du FBI.
[6] Notamment sur le fait précis que des musulmans puissent être victimes lors des attentats perpétrés. Noordin Top n’en avait cure ; pour lui, seul comptait le but final.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire