Alors que les élections présidentielles approchent - elles doivent avoir lieu l'année prochaine - et que les candidats principaux sont d'ores et déjà déclarés, avec notamment les tandems Prabowo Subianto / Sandiaga Uno d'une part et Jokowi / Ma'ruf Amin d'autre part, les manipulations vont bon train et pas spécialement pour le bien et l'unité (toujours fragile) du pays.
Un des derniers exemples, est un incident mettant en cause le Banser (Barisan
Ansor Serbaguna), le service d'ordre du mouvement de jeunes (GP Ansor) du Nadhlatul Ulama, le plus grand mouvement religieux musulman d'Indonésie.
Le 22 octobre 2018,
au cours de la commémoration de la « journée pieuse » (hari santri)
à Limbangan Square, dans la subdivision administrative de Garut, au Sud de
Bogor (sur l’île de Java), des « jeunes » du Banser ont
brûlé un drapeau du Hizb-ut-Tahrir (HTI), un mouvement
islamiste indonésien (1) ; un drapeau noir frappé en blanc par la doctrine exprimant un pilier de la foi islamique, le Tawhid , enseignée dans le Coran et la Sunna : "Il n'y a d'autre dieu qu'Allah".
Drapeau du HTI (al-Rayah)
Cet événement a été filmé et la vidéo de deux minutes cinq diffusée sur tous les réseaux sociaux, provocant un certain émoi dans le landerneau politico-religieux indonésien. Rapidement, les critiques sont venues accabler le Banser, critiques non seulement en provenance des opposants bien sûr, mais également issues des plus hautes instances du Nahdlatul Ulama. Un discrédit est ainsi lancé sur cette branche militante du plus grand mouvement de l'archipel. Qu'en est-il réellement ? Que cela cache-t-il ? En quoi cela est-il important ?
Militants du Banser, service d'ordre affilié au Nadhlatul Ulama.
Le président Jokowi,
prenant ombrage du fait que le Banser soit en mesure de mettre en
œuvre aisément des rassemblements populaires pour la défense du pays, sans pour
cela avoir besoin de payer les participants (comme cela se fait généralement
par tous les partis politiques indonésiens). Le président aurait ainsi voulu discréditer le Banser vis-à-vis
des musulmans indonésiens (comptant pour plus de 85 % de la population), tout
en conservant cependant l’appui du NU ; en effet, Ma'ruf Amin, son
colistier pour les prochaines présidentielles est issu lui-même du NU. Le discrédit est porté sur la base du fait que, sur cette bannière brûlée publiquement, figure la profession de foi musulmane et qu'ainsi l'ensemble des musulmans est concerné. Certes, le Tawhid concerne tous les croyants musulmans, mais c'est oublier que ce drapeau est également celui du HTI, même si ce dernier utilise aussi dans ses manifestations aux côtés de ce fameux drapeau noir, une autre bannière, avec exactement le même Tawhid calligraphié, cette fois en noir et sur fond blanc. Les deux drapeaux sont des emblèmes du HTI (2).
Mais le président Jokowi
ne serait pas le seul derrière cette manipulation. En effet, parmi ses
ministres coordinateurs, figure Wiranto, en charge des affaires politiques,
légales et de la sécurité (Kemenko Polhukam). Ce Général (CR) serait à l’origine
du développement d’un mouvement islamiste chargé de basses œuvres, le FPI, le
Front des défenseurs de l’Islam ; il est aussi un pur produit de l’ère
Suharto, ayant occupé les plus hautes fonctions au sein de l’armée
indonésienne.
Le président indonésien, Joko Widodo, dit Jokowi.
Rappelons que durant les
dernières années de l’époque Suharto, les mouvements islamistes ont souvent
servi de cartes biseautées (autant de cartes dangereuses) pour le bénéfice et
l’intérêt de certains cercles du pouvoir indonésien. Le FPI en fait partie,
tout comme les militants du HTI bien que dissous. Et dans ce jeu, les empêcheurs de tourner en rond
sont les membres du Banser, ce mouvement nationaliste militant et
partisan d’un Islam traditionaliste (local, enraciné).
Ce qui a motivé le Banser dans
son action est le fait que le HTI a réussi dans plusieurs provinces à faire
hisser son drapeau noir en lieu et place du drapeau national indonésien et, ce,
avec la complicité tant des autorités politico-administratives que
militaro-policières. Ainsi, que ce soit à Sulawezi (par exemple à Poso, sur
Célèbes), qu’à Kalimantan Timur (Kalimantan Est) et ailleurs, la bannière
islamiste claque-t-elle au vent, ceci en toute impunité et avec la complicité
des garants de l’Etat indonésien. Un acte scandaleux dénoncé à juste titre par
le mouvement nationaliste du Banser.
Le ministre coordinateur des affaires politiques, légales et de la sécurité, le Général (CR) Wiranto.
Alors que l’actuel président sera vraisemblablement
reconduit l’année prochaine dans ses fonctions - tant la situation économique
s’améliore et que le petit peuple (wong cilik) sent un réel intérêt de
Jokowi pour les plus modestes - l’on peut craindre le pire, si ces forces
occultes persistent dans ce soutien intéressé aux islamistes. Ces derniers,
gagnant en légitimité, en visibilité, vont ainsi encore plus se développer dans
le plus grand archipel du monde avec ses 250 millions d’habitants et sa
position géostratégique majeure dans ce Sud-Est asiatique en pleine
transformation.
Post-scriptum : Dernier détail plutôt accablant pour Jokowi : le fait que son tandem avec Ma'ruf Amin - en vue des prochaines élections présidentielles - ait à présent le même avocat que l'ex-HTI (Hisb-ut-Tahrir), à savoir Yusril Ihza Mahendra (3).
ADDENDA : Contacté le 14 novembre 2018 au sujet de cette affaire, Ysmaïl Yusanto, le porte-parole de l'ex-HTI, déclarait à l'auteur que "noir ou blanc, il ne s'agissait pas du drapeau du HTI", tant son mouvement n'a pas de drapeau à proprement parler. Les deux bannières/drapeaux (respectivement al-Rayah et al-Liwa) sont bien utilisés par le HTI, mais "ce sont les drapeaux de tous les musulmans, comme l'attestent Al-Tirmidzi, Al-Baihaqi, Al-Thabarani et Abu Ya'la". Par ailleurs, ajoute-t-il, "brûler ces drapeaux (noir ou blanc) est une insulte à tous les musulmans et c'est même un blasphème, une diffamation inacceptable" car "ce que l'on brûle, c'est la profession de foi des musulmans". Toujours selon Yusanto, "les cas de blasphème se multiplient car le plus haut dirigeant du pays (id est, le Président Jokowi) ne remplit pas sa fonction, celle d'être un gardien de la religion (hirasatud din)."
Note :
(1) Le Hizb ut Tahrir Indonesia a été interdit le 8 mai 2017. Il s'agit donc d'un mouvement qui normalement n'a plus d'existence légale. Demeurent cependant les militants, lesquels sont toujours actifs et propagandistes.
(2) Lors d'une visite effectuée par l'auteur à la boutique/librairie du Hizb ut-Tahrir à Jakarta en 2006, le drapeau noir avec le Tawhid était vendu comme l'emblème du HTI (du petit format avec embase à poser sur un bureau, au grand format à utiliser dans la rue pour les manifestations).
(3) Cf. https://news.detik.com/berita/4288438/yusril-ihza-mahendra-jadi-pengacara-jokowi-maruf-di-pilpres-2019
Post-scriptum : Dernier détail plutôt accablant pour Jokowi : le fait que son tandem avec Ma'ruf Amin - en vue des prochaines élections présidentielles - ait à présent le même avocat que l'ex-HTI (Hisb-ut-Tahrir), à savoir Yusril Ihza Mahendra (3).
ADDENDA : Contacté le 14 novembre 2018 au sujet de cette affaire, Ysmaïl Yusanto, le porte-parole de l'ex-HTI, déclarait à l'auteur que "noir ou blanc, il ne s'agissait pas du drapeau du HTI", tant son mouvement n'a pas de drapeau à proprement parler. Les deux bannières/drapeaux (respectivement al-Rayah et al-Liwa) sont bien utilisés par le HTI, mais "ce sont les drapeaux de tous les musulmans, comme l'attestent Al-Tirmidzi, Al-Baihaqi, Al-Thabarani et Abu Ya'la". Par ailleurs, ajoute-t-il, "brûler ces drapeaux (noir ou blanc) est une insulte à tous les musulmans et c'est même un blasphème, une diffamation inacceptable" car "ce que l'on brûle, c'est la profession de foi des musulmans". Toujours selon Yusanto, "les cas de blasphème se multiplient car le plus haut dirigeant du pays (id est, le Président Jokowi) ne remplit pas sa fonction, celle d'être un gardien de la religion (hirasatud din)."
Note :
(1) Le Hizb ut Tahrir Indonesia a été interdit le 8 mai 2017. Il s'agit donc d'un mouvement qui normalement n'a plus d'existence légale. Demeurent cependant les militants, lesquels sont toujours actifs et propagandistes.
(2) Lors d'une visite effectuée par l'auteur à la boutique/librairie du Hizb ut-Tahrir à Jakarta en 2006, le drapeau noir avec le Tawhid était vendu comme l'emblème du HTI (du petit format avec embase à poser sur un bureau, au grand format à utiliser dans la rue pour les manifestations).
(3) Cf. https://news.detik.com/berita/4288438/yusril-ihza-mahendra-jadi-pengacara-jokowi-maruf-di-pilpres-2019
Iconographie :
Membres du Banser : https://www.straitstimes.com/asia/se-asia/indonesias-militant-moderates-fight-religious-intolerance
Jokowi : http://time.com/4379401/indonesia-china-jokowi-natuna-sovereignty-maritime-fishing-dispute/
Wiranto : https://www.oposisi.net/2018/09/ditanya-kekerasan-polisi-ke-mahasiswa.html
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