4 novembre 2014

Discours inaugural du nouveau Président indonésien Joko Widodo

Prononcé le 20 octobre 2014.
[trad. pers.]


Nous, Jokowi et JK (1), venons juste de prononcer nos serments. Ce serment a une profonde signification spirituelle qui renforce notre engagement à devenir une grande nation. Il est temps d’unir nos cœurs et nos mains, et de poursuivre le lourd labeur en vue de transformer l’Indonésie en un pays souverain politiquement, auto-suffisant économiquement, et avec un caractère fort culturellement.

Je suis sûr que nous pouvons partager cette lourde tâche ensemble, dans l’unité et par le biais du gotong royong (2) et dans le fait de travailler durement. Gotong royong est une condition préalable pour devenir une grande nation. Nous ne deviendrons jamais une grande nation si nous sommes divisés, nous ne serons jamais vraiment libre (3) sans travailler durement.

Mon administration s’assurera que chaque personne dans la patrie sente la présence de son gouvernement. Je suis certain que la nation sera plus forte si les institutions de l’Etat (lembaga negara) font leur travail conformément au mandat du peuple, comme il est écrit dans la Constitution.

Aux pêcheurs, laboureurs, fermiers, vendeurs de bakso (4), vendeurs des rues, chauffeurs, universitaires, enseignants, militaires, policiers, entrepreneurs et professionnels, je vous adjure de travailler dur, gotong royong, parce que c’est le moment historique pour nous tous d’aller ensemble, de travailler, travailler et encore travailler.

Nous voulons être présent parmi les autres nations indépendantes avec dignité, avec fierté. Nous voulons construire notre propre civilisation, nous voulons devenir une nation créatrice, une nation qui contribue noblement à la civilisation mondiale.

Nous devons travailler dur pour restaurer l’Indonésie en tant que pays maritime (5). Les océans, les mers, les baies, et les détroits sont le futur de notre civilisation.

Nous avons trop longtemps tourné le dos à la mer, aux océans, aux détroits, et aux baies. Il est temps de restaurer tout cela pour que "jalesveva jayamahe (6) ”, un slogan utilisé par nos aïeux, fasse de nouveau écho (7).

L’édification d’un pays ne peut pas se faire uniquement par son président et son vice-président, ainsi que par l’administration que je conduit, mais nous avons besoin d’une force collective. Les cinq prochaines années seront l’occasion d’un élan pour montrer notre liberté en tant que nation. C’est pourquoi, travailler, travailler et travailler est la priorité. Je suis certain qu’avec le travail dur et le gotong royong nous serons en mesure de protéger l’Indonésie dans son ensemble, d’améliorer le bien-être, et de contribuer à l’ordre du monde en accord avec les principes de liberté, de paix éternelle et de justice sociale.

Au nom du peuple et du gouvernement de l’Indonésie, je remercie et apprécie la présence des chefs d’Etats et des délégués spéciaux. En tant que troisième plus gros pays du monde (8), à la plus grande population musulmane mondiale, en tant que nation archipélagique (9) et la plus grosse nation d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie continuera dans la mise en œuvre d’une diplomatie étrangère libre et active (10), pour l’intérêt national, et contribuera à la création d’un ordre mondial en accord avec les principes de liberté, de paix éternelle, et de justice sociale.

En ce moment historique, je remercie personnellement et au nom du Vice-Président Jusuf Kalla et au nom de l’Indonésie, le Président Susilo Bambang Yudhoyono et le Professeur Docteur Boediono (11) qui ont dirigé le gouvernement ces cinq dernières années.

Pour conclure ce discours, j’implore mes chers compatriotes, de se souvenir d’une chose dite par le premier président de la République d’Indonésie, Bung Karno (12). Afin de construire l’Indonésie en une grande nation, prospère et pacifique, nous avons besoin de l’esprit de courage pour faire face aux vagues.

En tant que Capitaine du navire ayant la confiance du peuple, je vous invite tous à bord du navire de la République d’Indonésie et de voguer vers Indonesia Raya (une grande Indonésie).

Nous allons dresser le mât, un mât fort. Nous ferons face aux marées dans l’océan avec notre propre puissance. Et je soutiendrai le peuple et la Constitution.

Que Dieu bénisse notre noble intention.

Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soit sur vous (Wassalamualaikum warrahmatullahi wabarakatuh).
Que Dieu vous bénisse.
Que Dieu (13) nous apporte la Paix (Om shanti shanti om).
Je prends refuge dans le Bouddha (Namo Buddhaya).
Liberté ! (Merdeka!)

Le Président Joko Widodo

Notes :
(1) Jusuf Kalla, le nouveau vice-Président indonésien.
(2) Terme plutôt utilisé dans les années soixante et soixante-dix et devenu populaire dans le discours politique indonésien ; il signifie quelque chose comme « travailler ensemble dans un esprit d’assistance mutuelle ». Voir John R. Bowen, « On the Political Construction of Tradition : Gotong Royong in Indonesia », in Journal of Asian Studies, Vol.XLV, Mai 1986.
(3) Le terme utilisé ici est merdeka revêt un caractère particulier, sensible, dans l’esprit des indonésiens, en ceci qu’il évoque explicitement non seulement les durs combats (revolusi) qui ont conduit leur pays à l’indépendance en 1945 (officiellement en 1949 à l’ONU), mais aussi ceux menés pour maintenir cette indépendance face aux deux blocs et aux impérialismes de l’après-guerre (par le Président d’alors, Soekarno).
(4) Plat typique et populaire composé de boulettes de viande et proposé notamment par les vendeurs de rues.
(5) Le pays se dit en Indonésien Tanah air, un terme qui littéralement signifit « terre et eau ».
(6) Terme sanscrit signifiant « par la mer nous triomphons » ; c’est la devise de la Marine indonésienne (TNI-AL).
(7) Au cours de la mandature précédente, quand bien même le Président Susilo Bambang Yudhoyono (ancien Général issu de l’Armée de Terre) avait les coudées franches (deux mandats), avait évoqué publiquement ce thème, avait les personnes compétentes à ses côtés (on peut citer notamment Dino Patti Djalal dont la thèse de doctorat traitait excellemment du sujet en question, à savoir : « Concepts géopolitiques et comportement territorial maritime dans la politique étrangère indonésienne »), rien n’a été malheureusement fait de façon majeure, durant dix ans, dans le sens d’une réelle politique maritime en Indonésie.
Jokowi a nommé au sein de son gouvernement un « ministre coordinateur des affaires maritime » ; une création de poste. C’est à Indroyono Susilo que le Président à confié cette tâche importante.
(8) L’Indonésie compte près de 250 millions d’habitants.
(9) Le 13 décembre 1957, par le biais de la « Déclaration de Juanda » (Juanda Kartawidjaja, le premier ministre de l’époque), l’Indonésie se définissait le concept d’Etat archipélagique, avant de l’entériner trois ans plus tard juridiquement (Loi n° 4/Prp 1960). Plus tard, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 ; ratifié par l’Indonésie en 1985, entrée en vigueur le 16 novembre 1994) la chose était avalisée et reconnue internationalement ; l’Indonésie « exerçant sa souveraineté sur les eaux séparant les îles de l’archipel », devenant ainsi le plus gros Etat archipélagique du monde.
(10) Le fait pour l'Indonésie d'avoir une diplomatie « libre et active » (« bebas aktif » en Indonésien) est une tradition datant de 1948, énoncé par le Vice-président d'alors, Mohammad Hatta. Cette diplomatie singulière n'a jamais signifié pour autant que celle-ci fût neutre, indifférente et passive, tout au contraire. Le terme « libre » faisant référence à la liberté de l'Indonésie dans sa détermination d'avoir une position et un jugement propres au sujet des affaires du monde et aussi libre vis-à-vis des blocs ainsi que dans ses alliances militaires. Quant au terme « actif », il signifie que la diplomatie indonésienne est menée en amont et de manière constructive, dans le désir de contribuer à la réalisation de la paix, de la justice, de l'amitié et de la coopération mutuelle entre toutes les nations du monde.
On pourra lire l'article présent sur ce blog : http://philippe-raggi.blogspot.fr/2013/01/une-rupture-historique-dans-la_16.html 
(11) Ancien vice-président indonésien.
(12) Surnom populaire donné au premier Président de l’Indonésie : Soekarno.
(13) Il s'agit ici du dieu Hindou. Dans ces dernières phrases rituelles, Jokowi évoque les grandes composantes religieuses de la nation indonésienne (musulmanes, chrétiennes, hindoues et bouddhistes).

Iconographie : 
Portrait du Président Jokowi :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/35/Joko_Widodo_HD.png

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