Nous sommes toujours l’Autre de quelqu’un.
Qu’on le veuille ou non, lorsque l’on voyage - en touriste ou non -, a fortiori loin de ses pénates, nous ne transportons pas que notre petit moi et ce qui peut l’identifier parmi notre entourage immédiat mais également ce qui nous constitue par-delà ces caractéristiques contingentes égotiques ; nous sommes en effet aussi les hérauts d’autres éléments qui participent à ce que nous sommes, à savoir une couleur de peau, l’appartenance à un pays, à une civilisation, à une culture particulière, à une histoire. Et cette identité s’opère malgré nous et sans nous, par le seul regard qu’offre notre présence, simplement parce que le regard de l’autre ne nous perçoit pas en tant que même : cet autre est d’une autre couleur de peau, d’un autre pays, d’une autre civilisation, d’une autre culture, d’une autre histoire, d'une autre tradition.
En ayant conscience de cet état de fait, nous portons le moins de préjudice à qui que ce soit. Mais force est de constater que certains touristes voyagent dans le monde en aveugle, en voulant reproduire souvent ce qui constituait leur environnement là où ils résidaient, voyageant non pour trouver et découvrir l’autre et le différent mais pour re-trouver le même en toute chose, avec certes un léger vernis exotique pour se dire ailleurs.
Un exemple concret. Que penser par exemple, de ce qui se passe dans le sud de la Thaïlande depuis longtemps maintenant. Deux « spots » voient converger des milliers de touristes : Phuket, Phang Nga. Que peut-on y voir ? A Phuket, une « Gay Pride » diurne organisée dans les rues de la ville, avec son cortège de musique « techno-trans » et de comportements avilissants, suivie d’une bacchanale qui ressemble tant aux autres nuits de la ville. A Phang Nga, une « Full Moon Party » mensuelle qui n’est qu’une longue soirée orgiaque cannabique et alcoolisée, sous les étoiles et sur le sable, suivie là aussi par d’autres nuits tout autant malsaines.
Ces deux endroits sont situés dans le sud thaïlandais, dans cette région jouxtant la Malaisie et théâtre d’une lutte islamo-séparatiste depuis près de quarante ans. Les habitants sont majoritairement malais, musulmans et d’une culture encore et profondément traditionnelle.
Comment dès lors peuvent être perçues ces manifestations de touristes sans « tenues » - dans tous les sens du terme - ni re-tenues ? Heureusement, jusqu’à lors, les mouvements armés à l’œuvre dans ces cinq provinces ne se sont jamais attaqués aux touristes occidentaux, contrairement à ce qui a pu se passer ailleurs, comme à Bali en 2002 et en 2005.
Mais imaginons un instant que, voulant donner plus de résonance à leur lutte, ces mouvements islamo-séparatistes visent directement les touristes… Si les responsabilités premières seront bien sûr celles des terroristes, il n’en demeure pas moins que les touristes irrespectueux auront également quelques parts de responsabilités dans le drame qui pourrait les meurtrir.
La liberté implique la responsabilité et être touriste, en Thaïlande du sud comme ailleurs, c’est aussi être responsable de ses actes. Chaque homme est un héraut, chaque homme est un ambassadeur, malgré lui. Et nous ne pouvons ignorer qui nous sommes, ni échapper à ce que nous sommes, surtout loin de nos pénates...
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