17 décembre 2008

L'Indonésie n'est pas le Pakistan

(28 octobre 2002)

Suite aux attentats de Bali et de Manado du 12 octobre dernier, d'aucuns ont avancé un parallèle entre la situation en Indonésie et celle du Pakistan. Cependant cette comparaison ne peut être soutenue.

- En un premier lieu, l'Indonésie n'est pas un Etat islamique alors que c'est le cas du Pakistan. Ceci n'est pas la moindre des différences, puisqu'il en découle un rapport aux minorités radicalement différents.

- Par ailleurs, l'Islam indonésien n'est pas l'Islam pakistanais. Il n'est pas nécessaire d'être ethnologue pour savoir que dans l'Islam indonésien existe des pratiques typiques et syncrétistes qui constituent ce que l'on appelle "la javanité". Les indonésiens musulmans sont fiers de leur culture ante-islamique (Sriwijaya et Majapahit) alors que les pakistanais n'ont pas cette diversité dans leurs origines. Et ce n'est pas au Pakistan que l'on trouverait deux mouvements musulmans, tels la Muhammadyiah et le Nadlatul Ulama (représentant l'Islam majoritaire dans l'archipel) opposés à l'instauration de la Loi coranique. Rappelons que la sharia n'est pas institué en Indonésie, hormis en Aceh (Nord de Sumatra) et encore fut-elle imposée par Jakarta aux achénais sans que la population locale ne demande son instauration, dans le but de diviser cette province sécessionniste.

- Le Pakistan et l'Indonésie ont eu certes un Général comme Président mais la comparaison s'arrête là; Suharto n'est pas Zia. L'approche de l'Islam par ces deux chefs d'Etat n'est en aucun cas comparable, comme leur rapport à la nation et à l'unité nationale vis à vis de la religion musulmane. A titre d'exemple, le principe constitutionnel indonésien du Pancasila (cinq principes[1]) est inconcevable au Pakistan; il serait même considéré comme hérétique, impie.

- La seule similarité apparente pourrait être la forte présence de l'armée dans le politique et le monde économique; là aussi s'arrête la comparaison. Cet élément pourtant n'est pas à même d'être suffisant. Le Myanmar, par contre, serait à même, lui, de soutenir une comparaison sérieuse avec l'Indonésie; les liens et la coopération entre ces deux pays sont d'ailleurs là pour le prouver.

- La corruption n'est pas un élément satisfaisant de comparaison car il n'est pas l'apanage de ces deux pays, loin de là…

- Géopolitiquement, l'Indonésie n'a pas d'Afghanistan, ni de Cachemire. Tel la Chine, l'Indonésie est assez vaste et a fort affaire avec ses forces centrifuges pour avoir des appétits territoriaux sur ses voisins du Sud-Est asiatique. Et ce n'est pas le recul de l'armée indonésienne sur la question de sa structure militaire territoriale ni la diminution (à cause de la réforme engagée) de sa présence sur la dizaine de millier d'îles que compte l'Indonésie qui pourrait avaliser la thèse de l'existence de "zones tribales" ou assimilé dans l'archipel.

- Les services secrets indonésiens (BIN et BAIS) ne sont pas l'ISI pakistanais. Il existe des divergences et dissensions entre ces services et l'armée en Indonésie, alors qu'au Pakistan, ces institutions fonctionnent plutôt en symbiose, avec l'ISI comme donneur d'ordre.

- L'Indonésie n'a pas un Brigadier Général S.K.Malik; cet officier général pakistanais a écrit officiellement un ouvrage, intitulé "Le concept coranique de guerre", qui peut être considéré comme le bréviaire des officiers de l'armée pakistanaise. Cet ouvrage officialise, entre autre chose, l'utilisation de la terreur non pas comme moyen mais comme fin dans les rapports avec les kafirs (infidèles).

- Enfin, les officiers indonésiens ne sont pas issus d'Ecoles coraniques islamistes radicales, comme beaucoup de leurs homologues pakistanais, lesquels sont de plus en plus nombreux a avoir ce cursus. Ce n'est pas non plus à l'Ecole des Officiers pakistanais que l'on trouvera des cours sur le respect des minorités et sur l'ouverture et la préparation au dialogue inter-culturel, comme c'est le cas à l'Académie Militaire Indonésienne (AKABRI, aujourd’hui AkMil).

Sans aller plus loin, force est de constater l'inanité du rapprochement entre les deux pays. Il peut être facile de le faire croire à des personnes n'ayant aucune connaissance de la réalité de ces deux Etats, mais les faits apportent suffisamment de preuves pour invalider ce genre de comparaison hâtive et ce parallèle apparaît donc plutôt réducteur, voire totalement erroné.

Notes :

[1] le nationalisme (Kebangsaan), l'humanisme (Kemanusiaan), un gouvernement représentatif (Kerakyatan), la justice sociale (Keadilan Social), le monothéisme (Ketuhanan).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire