20 septembre 2021

Des tropes journalistiques ou de la confusion volontaire

 NB : cet article a été écrit en septembre 2013.

Green Sundays: Propaganda - la fabrique du consentement - En vert et contre  tout

En France, nous sommes en démocratie, c’est un refrain bien connu. Par ailleurs, les journalistes des grands médias disent la vérité et nous informent ; c’est aussi une antienne connue. « Tout va très bien Madame la Marquise »...

Le vocabulaire utilisé par ces éminents diplômés d’écoles supérieures de journalisme donne une idée de leur auguste neutralité, de leur objectivité sans faille, de leur conscience professionnelle irréprochable. Prenons en exemple ce qui se passe actuellement en Syrie, et notons les mots, les termes employés pour décrire les acteurs, la situation.

Vladimir Poutine, qui a redonné à la Russie une place éminente dans les relations internationales et qui s’est révélé fin stratège après avoir proposé un plan de sortie de crise (plan russe de démantèlement de l'arsenal chimique syrien) est appelé communément par les journalistes « Le maître du Kremlin ». Entendons-nous parler d’Obama comme « maître de la Maison Blanche » ? Ce terme de « maître du Kremlin » fait montre d’impartialité et de slavophilie sans doute...

Pour parler de l’Etat syrien, les grandes plumes et autres présentateurs vedettes du 20H nous gratifient du « régime de Bashar al Assad » ; pourquoi le président de ce pays du Proche-Orient est-il le seul à bénéficier de ce traitement ? Qu’en est-il du « régime de François Hollande » alors ? On se le demande...

Toujours au sujet des acteurs de ce drame, nous entendons parler du camp des « Occidentaux », pour évoquer je ne sais quelle coalition apparemment gigantesque et planétaire (dès lors légitime), alors qu’il faut comprendre par ce mot : les seuls gouvernements de Washington, de Londres et de Paris... Qui a dit que l’Occident était une peau de chagrin...

Nous lisons par ailleurs que de possibles « frappes » pourraient avoir lieu en Syrie de la part des "occidentaux" (Cf supra), si Bashar al Assad n’obtempérait pas. Là encore, c’est un vieux vocable, utilisé par la propagande américaine au moment de la guerre otanienne en ex-Yougoslavie et aussi durant la première et la seconde guerre contre l’Irak (dite guerre du Golfe). Il faut simplement traduire le mot « frappes » par « bombardements ». Une « frappe » c'est quand même plus smart, non ? Cachez ce sein que je ne saurais voir...

Il y a aussi des couleurs au tableau, telle cette fameuse « ligne rouge » que le Président syrien aurait franchi. C’est le Président des États-Unis qui a lancé ce terme repris à l'envie par les dits journalistes ; ce terme ne repose, soulignons-le, sur aucun fondement juridique international. Mais, Sieur Obama se lève le matin et décide de l’existence de telle ou telle ligne rouge qu’il ne faudrait franchir sans subir les foudres de ses forces armées. Il déciderait ainsi de ce qui est bien ou mal, licite ou illicite, bref, de la pluie, du beau temps. "J'ai décidé que tu avais franchi la ligne rouge ; tu dois mourir visage pâle et être vitrifié sur l'heure. Hugh !" Mais où sont donc passés tes cours de l'Université de Columbia, cher Barack ? Tu devrait les relire un peu, surtout la section International Relations, laquelle fut ta spécialité, je crois...

Suite aux agitations d’un chef d’État, nous avons appris que la France s’apprêtait à « punir » le régime syrien. Nous avons ainsi appris que le vocabulaire de la diplomatie - pourtant bien élaboré depuis des siècles et surtout en langue Française - s’était « enrichi », par emprunt « empathique » au registre de la morale ; mais morale et relations internationales relèvent de deux sphères bien distinctes. Vouloir entretenir la confusion des genres, c’est avoir une approche idéologique des affaires du monde ; une approche vraisemblablement enseignée à l’éhèneha (ENA : l'école nationale de l'aristocratie républicaine), non seulement à la "promotion Voltaire" mais encore à toutes les autres promos (sans oublier Sciences Pipo Paris et l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille...).

Sur une dépêche d’une agence de presse internationale, nous avons pu lire récemment que le président syrien Bachar al-Assad avait « avoué » dans une interview sur la chaîne américaine Foxnews que son régime détenait bien des armes chimiques. Pourquoi utiliser le verbe « avouer » alors que le seul correct eut été tout simplement « déclarer » ; la détention de telles armes n’a jamais été un secret pour quiconque. Aucune orientation malveillante bien entendu, aucun biais tendancieux  dans ce choix du verbe...

Enfin, pour faire court, il a été entendu qu’il fallait agir contre le fameux « régime de Bashar al Assad » car ce dernier détenait justement des armes de destruction massive que sont les armes chimiques. A toutes fins utiles, rappelons que Damas n’a jamais signé la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), à l’instar d’Israël, du Myanmar, de la Somalie, de l’Angola, de la Corée du Nord, de l’Égypte, du Soudan du Sud, etc. Va-t-on dès lors attaquer et bombarder ces pays ? En est-il seulement question ? Notons enfin que c’est pour faire face à la menace nucléaire israélienne que Damas s’est dotée de telles armes chimiques, armes de destruction massives d’un coût moindre et d’une élaboration plus aisée que l’atome.

Lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, abuserait-on de vous ?

Iconographie :  

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