L’on dit communément que le XXème siècle a commencé en 1914, de même que le XVIIIème, lui, s’est achevé en 1789... Notre XXIème aurait ainsi commencé en 2001, le 11 septembre. Sans jouer les Cassandre (rappelons-nous qu’elle avait raison), nous pouvons déjà parier sur la fin prochaine, non du siècle en cours, mais d’un monde.
Un philosophe (1) a dit un jour, « La fin d’une chose dure souvent plus longtemps que la chose elle-même (die Sache selbst)». Ainsi, notre monde ne finit pas d’en finir en quelque sorte. Quoiqu’il en soit, il est bien moribond, et ce que l’on tenait pour acquis, pour pérenne, ne l’est pas. Un peu comme lorsque Valery disait que nos civilisations étaient mortelles, en 1919, on a du mal à croire (du moins les esprits du temps) que notre monde actuel pourrait toucher un jour à sa fin.
Il y a des signes de cela, ils sont nombreux, et l’on sent que les dirigeants du monde cherchent encore, malgré tout, à le sauver alors qu’il est irrémédiablement perdu, agonisant et délétère. En un sens, il est compréhensible que ceux qui sont aux commandes - ayant parfaitement conscience de la chose - cherchent à défendre leurs intérêts et à maintenir le statu quo. Mais ils le font au détriment de leurs administrés (nous) qui en pâtissent. Reculer l’échéance ne rendra la chose que plus terrible. « Est-ce le châtiment, cette fois, dieu sévère… » (2).
L’oligarchie mondialiste tente de faire durer le plaisir, leurs plaisirs ; un peu le fameux « encore un instant, Monsieur le bourreau » de la comtesse du Barry. Malheureusement pour eux, leur guillotine est déjà là, en vue. Ne voulant pas faire un pas de plus vers le couperet, ces dirigeants vont vouloir, sans scrupule (3) ni espèce de retenue, amener avec eux le plus de monde possible.
C’est la fin d’un monde - et non du monde - qui pointe à l’horizon. Il semble que les rapports entre Etats, entre zones d’influence, entre pouvoirs et administrés, entre les individus même, vont changer ; radicalement (4). Nous ne savons encore ce qu’il sera, mais en tout état de cause, il ne sera vraisemblablement pas tel que nous l’imaginons, ou - c’est bien dommage - tel que nous le rêvons.
Pour que cette aube nouvelle advienne, il nous faut, dit Nietzsche (5), « la nécessaire transmutation de toutes nos valeurs ». Mais personne n’est véritablement préparé à ce changement, même ceux qui le souhaitent, le désirent, l’attendent…
Ce changement est nécessaire, mais il sera en tout état de cause douloureux.
Je pense au poème de Robert Desnos, Histoire d’une ourse (6) :
(…)
J’entends des pas lourds dans la nuit,
J’entends des chants, j’entends des cris,
Les cris, les chants de mes amis.
Leurs pas sont lourds
Mais quand naîtra le jour
Naîtra la liberté et l’amour.
Qu’il naisse demain ou dans cent ans
Il sera fait de lumière et de sang
Et renouvellera les quatre éléments.
Plus lourdes que l’ourse dans la cité
Par le monde je sens monter
La grande invasion, la grande marée.
Grande Ourse au ciel tu resplendis
Tandis que j’écoute dans la nuit
Les cris, les chants de mes amis.
Notes :
(1) Je crois qu'il s'agit de Georg Lukács.
(2) Cf. Victor Hugo, L’expiation, § II, in Les châtiments (1853).
(3) ils ne connaissent pas ce sentiment.
(4) Radicalement, c’est-à-dire avec un retour aux racines. Un retour du refoulé…
(5) Cf. : La volonté de puissance (trad. d’Henri Albert, au Mercure de France).
(6) in recueil État de veille, 1942.
Iconographie :
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